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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/118

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drapeau de la France dans une entreprise téméraire. Les Japonais n’avaient eu d’autre but, par leurs attermoiemens, que d’amener l’évacuation volontaire de la ville par toutes les puissances, sauf à engager sur un autre point le conflit avec les forces britanniques isolées. La résistance de l’amiral Jaurès les déconcerta, et, ne pouvant renouer de relations avec le colonel Neal, ils résolurent de venir trouver les autorités françaises. Dans une première entrevue, qui eut lieu à la légation de France entre M. de Bellecourt, l’amiral Jaurès et les gouverneurs japonais, ceux-ci reprirent leur thème habituel ; ils attribuèrent le non-paiement de l’indemnité au désaccord des membres du gorodjo, et dans leur conviction ce paiement serait loin de garantir la sécurité des étrangers. Ils reconnaissaient du reste pour la première fois qu’ils devaient protection à la ville et aux résidens des nations en paix avec le Japon, et ils promirent de s’entendre sur ce point avec l’amiral Jaurès, dont ils demanderaient au besoin le concours contre les lonines et les daïmios. Ils espéraient d’ailleurs que les hostilités avec l’Angleterre n’éclateraient ni à Yokohama ni même à Yédo. L’amiral Jaurès répondit aux gouverneurs que, lors même que les hostilités n’éclateraient pas dans la baie de Yokohama, le gouvernement japonais, en manquant à sa promesse récente et formelle, avait en réalité déclaré la guerre à la Grande-Bretagne, et que de plus, en cessant de protéger les sujets des autres puissances, il pouvait amener celles-ci à prendre les armes contre lui. Le soin de l’intérêt commun obligeait donc l’amiral d’aviser immédiatement à la défense de la ville, et il était bien décidé à ne la laisser, sous aucun prétexte, envahir par les troupes japonaises. La conférence fut reprise le lendemain à bord de la Sémiramis. Après quelques pourparlers, il fut stipulé que les milices indigènes resteraient constamment en dehors de Yokohama, et que la garde exclusive de ce port serait confiée à des troupes européennes. L’un des gouverneurs promit d’aller à Yédo informer le gorodjo de ces mutuelles dispositions ; il se faisait fort aussi d’obtenir que la protection de la ville fût remise désormais, par une notification officielle, au commandant en chef des forces françaises.

L’amiral Kuper préparait cependant ses mesures coercitives. La première qui s’offrît à la pensée était la saisie des navires du taïkoun mouillés dans le golfe de Yédo. Le 23 juin 1863, la corvette anglaise la Pearl et une canonnière étaient venues en conséquence croiser devant les forts de la ville, et s’étaient postées en observation dans le chenal qui conduit au fond de la baie, quand on apprit que les Japonais consentaient enfin au paiement immédiat de l’indemnité, dont le montant était déposé depuis plusieurs jours aux bureaux de la douane. En effet, dans le milieu de la nuit du 23 au