Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais la négligence du gouvernement de Yédo, qui n’a inséré dans le traité aucune clause relative à des lois si anciennes en notre pays, ne montre-t-elle pas son incapacité ?

« Jugez vous-même qui mérite le blâme ! Est-ce celui qui néglige les lois ou celui qui cherche à les maintenir ? Décidez cette question importante ; qu’un grand officier du gouvernement de Yédo vienne la discuter avec un de nos grands officiers devant vous ; vous nous direz qui a raison, après quoi la question de l’indemnité sera réglée….. Notre gouvernement, en toutes choses, agit d’après les ordres de celui de Yédo. Telle est la réponse franche et cordiale que nous faisons à la dépêche que vous nous avez adressée. »


La teneur de cette lettre enlevait les dernières espérances d’une solution prompte et pacifique. Toutefois le colonel Neal, dont la patience avait été mise à l’épreuve bien des fois depuis la veille, attendit encore. Le lendemain matin, vers neuf heures, deux officiers japonais parurent, demandant un accusé de réception de la lettre de leur prince. Ils insistèrent verbalement en faveur de la solution qu’il recommandait aux Anglais. Le taïkoun, disaient-ils, a signifié à Shimadzo-Sabouro que le daïmio de Satzouma ne devait avoir aucun pourparler direct avec les étrangers. Le prince n’avait donc le droit, en réalité, ni d’agréer, ni de repousser les exigences des Anglais.

La diplomatie, ne pouvant plus désormais se faire d’illusion, laissa aussitôt et officiellement le champ libre à l’action militaire. Bien que le temps fût devenu très mauvais, l’amiral fit faire les préparatifs, et les cinq bâtimens anglais mouillés contre Sakoura-sima se portèrent sur les trois vapeurs de Satzouma. Ces navires[1], gardés par un petit nombre d’hommes, furent occupés sans résistance et leurs équipages déposés sur l’île ; puis on les remorqua jusqu’au mouillage que la division vint reprendre dans la baie. Des grains violens se succédaient, et le vent soufflait avec une force croissante. Les navires durent conserver les feux au fond des fourneaux. Au moment même où la tempête redoublait de fureur, un coup de canon retentit à terre, suivi bientôt de plusieurs décharges. C’étaient les batteries les plus voisines qui ouvraient le feu sur la frégate l’Euryalus et la corvette le Perseus, seules en ce moment à leur portée. Cette fois le prince de Satzouma relevait décidément le gant, et c’était lui qui donnait le signal de la lutte.

L’embossage étant impossible, l’amiral Kuper résolut d’engager sous vapeur l’action contre les batteries. Le Perseus reçut l’ordre d’appareiller et de réduire au silence une des batteries de Sakourasima

  1. Ces vapeurs, achetés au commerce étranger par le prince de Satzouma, étaient connus précédemment dans les mers de Chine sous les noms de Contest, England et Sir George Grey ; ils lui avaient coûté 305,000 piastres (environ 1,830,000 francs).