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situés sur les bords de la mer, à la merci des navires armés de canons à longue portée. Les routes étant à peine praticables, les approvisionnemens des grands centres de population, tirés des provinces qui produisent le riz, sont entretenus au moyen de milliers de barques qui font le cabotage sur les côtes ; il en résulte que le simple blocus des ports japonais triomphe de toute résistance.

Les événemens des années 1863 et 1864 n’ont pas fait seulement ressortir cette faiblesse du grand « empire du soleil naissant ; » ils ont eu pour l’Europe d’autres avantages. Depuis notre dernière expédition militaire contre Simonoseki (septembre 1864), le détroit reste ouvert au commerce européen, et les affaires à Yokohama ont pris une nouvelle extension. Pendant les derniers troubles, la soie, qui est au Japon l’objet de transaction le plus important pour les étrangers, n’arrivait de Yédo, où elle passe avant d’être portée sur le marché de Yokohama, que par quantités restreintes. Lorsqu’un ministre ou un consul se faisait vivement l’interprète des réclamations de la colonie étrangère, un nouvel arrivage apparaissait aux entrepôts de la douane indigène, puis le chiffre des affaires reprenait après ce temps d’arrêt sa marche décroissante. Au mois d’octobre 1864, grâce aux énergiques démonstrations des représentans européens, la soie affluait avec abondance à Yokohama. Les Japonais, il ne faut pas se le dissimuler, sont doués d’une intelligence très vive et possèdent avant tout le sens des affaires. La classe des marchands est donc complice de nos efforts, et quelles que soient l’hostilité des daïmios et l’indécision du taïkoun, si l’intérêt commercial des indigènes nous vient en aide au Japon, il est douteux que l’élément étranger puisse jamais en être banni ; tout porte au contraire à espérer qu’il réussira tôt ou tard à provoquer une révolution heureuse et décisive dans la vie intime et civile des différentes classes de l’empire.


ALFRED ROUSSIN.

Yokohama, novembre 1864.