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le cœur que comme un organe qui distribue la vie à toutes les parties de notre corps, parce qu’il leur envoie le liquide nourricier qui leur est indispensable pour vivre et manifester leurs fonctions. Quant au liquide nourricier, il est représenté par le sang lui-même, qui est sensiblement identique chez tous les animaux vertébrés, quelles que soient d’ailleurs la diversité de l’espèce animale et la variété de son alimentation. Dans les phénomènes extérieurs de la préhension des alimens, le zoologiste distingue le carnassier féroce qui se nourrit de chairs palpitantes, le ruminant paisible qui se repaît de l’herbe des prés, le frugivore et le granivore qui se nourrissent plus spécialement de fruits et de graines ; mais, quand on descend dans le phénomène intime de la nutrition, la physiologie générale nous apprend que ce qui se nourrit, à proprement parler, dans les animaux, ce n’est pas le type spécifique et individuel, qui varie à l’infini, mais seulement les organes élémentaires et les tissus, qui partout se détruisent et vivent d’une manière identique. La nature, suivant l’expression de Goethe, est un grand artiste. Les animaux sont constitués par des matériaux organiques semblables ; c’est l’arrangement et la disposition relative des matériaux qui déterminent la variété de ces véritables monumens organisés, c’est-à-dire les formes et les propriétés animales spécifiques. De même, dans les monumens de l’homme, les matériaux se ressemblent par leurs propriétés physiques, et cependant l’arrangement différent peut réaliser des idées diverses et donner naissance à un palais ou à une chaumière. En un mot, le type spécifique existe, mais seulement à l’état d’une idée réalisée. Pour la physiologie, ce n’est pas le type animal qui vit et meurt, ce sont les matériaux organiques ou les tissus qui le composent ; de même, dans un édifice qui se dégrade, ce n’est pas le type idéal du monument qui se détériore, mais seulement les pierres qui le forment.

En physiologie générale, on ne saurait donc déduire de la grande variété d’alimentation des animaux aucune différence de nutrition organique essentielle. Chez l’homme et chez tous les animaux, les organes élémentaires et les tissus vivans sont sanguinaires, c’est-à-dire qu’ils se repaissent du sang dans lequel ils sont plongés. Ils y vivent comme les animaux aquatiques dans l’eau, et de même qu’il faut renouveler l’eau qui s’altère et perd ses élémens nutritifs, de même il faut renouveler, au moyen de la circulation, le sang qui perd son oxygène et se charge d’acide carbonique. Or c’est précisément là le rôle qui incombe au cœur. Le système du cœur gauche apporte aux organes, le sang qui les anime ; le système du cœur droit emporte le sang qui les a fait vivre un instant.

Quand en physiologie on veut comprendre les fonctions d’un or-