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par constater des mouvemens rares et à peine perceptibles. Peu à peu ces mouvemens se prononcent davantage et deviennent plus fréquens ; le cœur se dessine mieux, des artères et des veines se forment, le liquide sanguin se manifeste plus distinctement, et tout un système vasculaire provisoire (area vasculosa) s’est étalé en rayonnant autour du cœur, désormais constitué physiologiquement comme organe de circulation embryonnaire. À ce moment, les linéamens fondamentaux du corps de l’animal ont déjà paru ; le cœur, alors en pleine activité, représente un moteur sanguin isolé, antérieur à l’organisation, et destiné à transporter sur le chantier de la vie les matériaux nécessaires à la formation du corps animal. Chez l’oiseau, le cœur va chercher les matériaux dans les élémens de l’œuf ; chez le mammifère, il les puise dans les élémens du sang maternel. Pendant que cet organe sert ainsi à la construction et au développement du corps tout entier, il s’accroît et se développe lui-même. À son origine, ce n’est qu’une simple vésicule obscurément contractile, comme la vésicule circulatoire d’un infusoire ; mais cette vésicule s’allonge bientôt et bat avec rapidité ; la partie inférieure reçoit le liquide sanguin et représente une oreillette, tandis que la partie supérieure constitue un véritable ventricule qui lance le sang dans un bulbe aortique se divisant en arcs branchiaux : c’est alors un vrai cœur de poisson. Plus tard, ce cœur subit un mouvement combiné de torsion et de bascule qui ramène en haut sa partie auriculaire et en bas sa partie ventriculaire ; avant que le mouvement de bascule soit complet, l’organe représente un cœur à trois cavités, cœur de reptile, et dès que le mouvement est achevé, il possède les quatre cavités du cœur d’oiseau ou de mammifère. Les diverses phases de développement du cœur nous montrent donc que cet organe n’arrive à son état d’organisation le plus élevé chez les oiseaux, les mammifères et l’homme, qu’en passant transitoirement par des formes qui sont restées définitives pour des classes animales inférieures. C’est l’observation de ces faits et de beaucoup d’autres du même genre qui a donné naissance à l’idée philosophiquement vraie que chaque animal reflète dans son évolution embryonnaire les organismes qui lui sont inférieurs.

Le cœur diffère ainsi de tous les muscles du corps en ce qu’il agit dès qu’il apparaît, et avant d’être complètement développé. Une fois achevé dans son organisation, il continue encore de former une exception dans le système musculaire : en effet, tous les appareils musculaires nous présentent dans leurs fonctions des alternatives d’activité et de repos ; le cœur au contraire ne se repose jamais. De tous les organes du corps il est celui qui agit le plus longtemps ; il préexiste à l’organisme, il lui survit, et dans la mort