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de toutes les vibrations sensitives qui se passent en nous, et qu’il peut en résulter tantôt un arrêt violent avec suspension momentanée et ralentissement de la circulation, si l’impression a été très forte, tantôt un arrêt léger avec réaction et augmentation du nombre et de l’énergie des battemens cardiaques, si l’impression a été légère ou modérée ; mais comment cet état peut-il ensuite traduire nos sentimens ? C’est ce qu’il s’agit d’expliquer. Rappelons-nous que le cœur ne cesse jamais d’être une pompe foulante, c’est-à-dire un moteur qui distribue le liquide vital à tous les organes de notre corps. S’il s’arrête, il y a nécessairement suspension ou diminution dans l’arrivée du liquide vital aux organes, et par suite suspension ou diminution de leurs fonctions ; si au contraire l’arrêt léger du cœur est suivi d’une intensité plus grande dans son action, il y a distribution d’une plus grande quantité du liquide vital dans les organes, et par suite surexcitation de leurs fonctions. Cependant tous les organes du corps et tous les tissus organiques ne sont pas également sensibles à ces variations de la circulation artérielle, qui peuvent diminuer ou augmenter brusquement la quantité du liquide nourricier qu’ils reçoivent. Les organes nerveux et surtout le cerveau, qui constituent l’appareil dont la texture est la plus délicate et la plus élevée dans l’ordre physiologique, reçoivent les premiers les atteintes de ces troubles circulatoires. C’est une loi générale pour tous les animaux : depuis la grenouille jusqu’à l’homme, la suspension de la circulation du sang amène en premier lieu la perte des fonctions cérébrales et nerveuses, de même que l’exagération de la circulation exalte d’abord les manifestations cérébrales et nerveuses. Toutefois ces réactions de la modification circulatoire sur les organes nerveux demandent pour s’opérer un temps très différent selon les espèces. Chez les animaux à sang froid, ce temps est très long, surtout pendant l’hiver ; une grenouille reste plusieurs heures avant d’éprouver les conséquences de l’arrêt de la circulation ; on peut lui enlever le cœur, et pendant quatre ou cinq heures elle saute et nage sans que sa volonté ni ses mouvemens paraissent le moins du monde troublés. Chez les animaux à sang chaud, c’est tout différent : la cessation d’action du cœur amène très rapidement la disparition des phénomènes cérébraux, et d’autant plus facilement que l’animal est plus élevé, c’est-à-dire possède des organes nerveux plus délicats.

Le raisonnement et l’expérience nous montrent qu’il faut encore placer, sous ce rapport, l’homme au premier rang. Chez lui, le cerveau est si délicat qu’il éprouvera en quelques secondes, et pour ainsi dire instantanément, le retentissement des influences nerveuses exercées sur l’organe central de la circulation, influences