Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Capitole, ils établissent un second rang d’arcs sur l’aqueduc de Marcius. Agrippa enfin, sous le consulat de César Octavien, assure à la ville les eaux d’une cinquième source, située un peu plus loin sur la voie Latine ; pour ménager le terrain et des expropriations d’autant plus dispendieuses qu’on était aux portes de Rome, il fait construire un troisième rang d’arcades sur les deux autres, de telle sorte qu’on avait trois étages superposés et trois conduits distincts : à l’étage inférieur coulait l’eau Marcia, au milieu l’eau Tepula, au sommet l’eau Julia. C’est ainsi qu’une sage économie et la satisfaction intelligente des besoins croissans d’une capitale firent créer ce magnifique ensemble d’architecture que les âges suivans ne pourront qu’imiter. L’aqueduc de Carthage, celui de Ségovie, le viaduc de Spoleto, le pont du Gard, ne sont que des répétitions du type grandiose créé aux portes de Rome par les magistrats de la république.

Une autre application de l’arc plein-cintre et de la voûte sert à jeter sur les fleuves des ponts hardis et durables. Les Grecs n’ont construit que de petits goûts sur leurs torrens, presque toujours guéables. Si les Étrusques en ont bâti de considérables, il n’en reste point de traces, tandis que la plupart des ponts établis sur le Tibre par les Romains ont résisté ; ils sont beaux, ils sont l’œuvre de la grande époque républicaine. Le pont Sublicius, longtemps en bois, est remplacé par le pont Palatin l’an de Rome 575 : c’est Scipion l’Africain qui l’achève. On passe encore sur le pont Fabricius (692), sur le pont Cestius, restauré par les empereurs Valens et Valentinien, sur le pont Milvius (ponte Molle), et ce ne sont point les Grecs qui ont donné aux Latins l’exemple de ces audacieuses et immuables constructions.

Que dire des voies romaines, sujet d’étonnement pour la postérité ? Nous pouvons leur comparer la voie Sacrée d’Eleusis ou la route antique qui conduisait du Pnyx au Pirée. Les Grecs entaillaient le rocher sur une petite largeur, laissaient les roues du char creuser leur ornière, et s’en allaient cahotés fièrement à travers les montagnes et les ravins. Ce sont les architectes romains qui ont eu de bonne heure l’idée de construire des levées, de niveler les pentes, de préparer une assiette large pour les chemins que des armées allaient traverser sans relâche, d’établir sur ces fondations un dallage admirable, en blocs de rocher de forme polygonale, épais, soigneusement agencés, comme les murs attribués aux Pélasges. Dès l’an M2 de Rome, la voie Appienne va jusqu’à Capoue, bientôt jusqu’à Brindes ; dès l’an 535, la voie Flaminienne atteint Rimini, tandis que la voie Émilienne traverse l’Étrurie et se dirige vers la Gaule : ce sont encore les trois routes principales de l’Italie moderne. C’est aussi sous la république qu’on établit les colonnes milliaires, des