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les pompes agirent sur l’imagination de Mozart bambin. J’ai dit spectacle, c’était bien autre chose en vérité pour cet enfant qui venait là chercher son Dieu et le trouvait. Le doute, qui le lui eût appris ? Quelle atteinte funeste aurait pu recevoir aux mains d’un père plein de foi cette âme croyante et pieuse ? Longtemps après son mariage, il allait encore à la messe, et si le désaccord se fit, s’il vécut et créa en dehors du cercle d’une religion dont le sentiment ne l’abandonna jamais, il faut bien reconnaître en ce point l’influence sur son organisation très féminine du climat méridional dans lequel il était né. Voyez cette population : quel air de santé, de bien-être ! Quelles bonnes figures respirant la joie d’être au monde ! Comme on s’aperçoit tout de suite que ces braves gens s’occupent peu de métaphysique ! L’Italie, par-delà les Alpes tyroliennes, leur envoie ses tiédeurs, ses baisers. Des vérités éternelles, ils croient honnêtement ce que la religion leur en enseigne, préférant d’ailleurs toute espèce de contingent à l’absolu. Ils ont la foi du charbonnier, ne leur en demandez pas davantage, car plutôt que de discuter ils seraient capables de vous répondre comme ce Chinois à un missionnaire : « J’ai tant d’affaires dans ce monde que je ne sais où donner de la tête ; comment diable voulez-vous que je trouve le temps de m’occuper de ce qui se passe dans l’autre ! » Jouir des biens de cette existence terrestre, toute leur préoccupation se borne là, et encore ne peut-on appeler préoccupation ce qui, chez eux, n’est qu’élan naturel, instinct pur et simple. Les femmes, les jeunes filles ont cette expression sensuelle, ce charme du regard, de la bouche, auquel l’homme du nord aurait tort de se laisser prendre, car l’honnêteté, en somme, n’y perd rien. On veut bien vivre, entendre de la musique, aimer, et le reste, mais sans préjudice, porté aux premières croyances, sans démérite ni scandale. Voilà le sang dont était Mozart, la chair dont il fut pétri. Né à Saltzbourg, il y vécut la plus grande partie de sa vie jusqu’à vingt-six ans, pour aller ensuite habiter Vienne, c’est-à-dire un Saltzbourg en grand.

Cependant le poème de la Flûte enchantée était complètement terminé. Schikaneder, faisant droit aux réclamations du musicien, avait dix fois modifié, remanié sa pièce. Mozart débordait d’inspiration. Il travaillait toute la matinée, dînait à midi avec son directeur et quelque jolie princesse de théâtre, la Reisinger par exemple, qu’il destinait au rôle de Papagena ; puis, après une première étape, et quand on avait bu déjà et ri plus que suffisamment, les femmes se levaient comme en Angleterre, et le maître, continuant à se griser, entamait avec son librettiste la question des airs et des duos. Schikaneder devait jouer Papageno, et Mozart lui soumettait à mesure chaque morceau du personnage.