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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/455

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domaine comme on défend une position même intenable, quand on n’est pas autorisé à l’abandonner ; mais il le croyait perdu à jamais et ne le regrettait pas.

C’est le sens d’une lettre qu’il adressait à son frère le 1er novembre 1816, et qu’il publia comme introduction à ses mémoires, pour donner la clé des faits qu’ils contiennent. On lui avait reproché, c’est lui-même qui nous l’apprend, d’avoir par son impéritie, sa précipitation, sa témérité, sa faiblesse, causé le désastre de la papauté et les malheurs du pape. — Pourquoi, disaient les uns, avait-il irrité par ses notes acerbes un empereur tout-puissant dans l’ivresse de ses triomphes ? Pourquoi, au lieu de plier un moment pour adoucir le choc, avoir lancé une excommunication inutile sur des incrédules qui s’en moquaient ? Pourquoi n’avoir pas au moins mis le pape en sûreté avant de provoquer la tempête ? — Pourquoi même, disaient quelques autres, n’avoir pas essayé de soulever les populations et de renouveler les vêpres siciliennes ? — Devant ces critiques, les unes raisonnables ou spécieuses, les autres folles, Pacca descendait dans sa conscience, et pendant les longues nuits de sa prison de Fénestrelles il parvint à se rassurer par les considérations consignées dans cette lettre à son frère. Comme apologie, comme politique, on y trouverait beaucoup à redire : ce qui nous intéresse, c’est son jugement sur la chute du domaine temporel et les raisons pour lesquelles il en prenait son parti.

Il observe d’abord qu’en un temps si fertile en catastrophes, quand l’antique Venise, quand la libre Hollande, quand les trois royaumes de la maison de Bourbon sont tombés coup sur coup, il n’y a guère lieu de s’étonner qu’un petit état pacifique et sans défense ait succombé comme les autres ; mais celui-ci du moins ne périt pas tout entier : il laisse survivante l’église pour laquelle il avait été fait, et, en tombant dans l’histoire, il y trouvera sa réhabilitation. Vu alors de loin et d’ensemble, à l’abri désormais des méfiances, des préjugés et des haines si longtemps déchaînés contre lui, il obtiendra justice. Jugé dans des idées plus générales et comparé d’époque en époque aux autres gouvernemens, il apparaîtra avec un éclat inattendu, entouré de ses puissantes œuvres, qui sont la civilisation des races barbares, le développement de la bienfaisance publique, la renaissance des arts et des lettres. Cette justice pourra se faire attendre, mais elle viendra ; « on appréciera tout le mérite des pontifes, et on avouera, dit-il, ce que la vérité a arraché de la bouche de Napoléon lui-même, que le gouvernement pontifical fut le chef-d’œuvre du génie et de la politique humaine. »

Mais autres temps, autres conditions. Sans doute Bossuet n’a pas tort, lorsque, cherchant la raison historique du domaine temporel,