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tion n’étaient point sincères à l’origine et n’étaient qu’une manœuvre, refusant de laisser renverser par une minorité factieuse la décision légale de la majorité du peuple. Les appréhensions que trahit la presse anglaise, maintenant que le triomphe du nord paraît assuré, sont comme une expiation de la faute commise par l’opinion de l’Angleterre. Nous espérons que les Anglais en seront quittes pour leur anxiété actuelle, et que le peuple américain, s’il rétablit chez lui la paix intérieure, n’ira point chercher à vexer par de folles guerres les gouvernemens étrangers que son succès aura suffisamment contrariés. Nous avons eu, nous aussi, notre alerte à propos de la perspective du rétablissement prochain de l’Union. On semble avoir compris dans les régions du pouvoir la faute que l’on avait commise en montrant contre la cause du nord une partialité frivole et dangereuse ; on a craint pour le succès de l’expérience que nous poursuivons au Mexique quand on a vu les émissaires du sud proposer au gouvernement du nord de faire à nos dépens une paix d’aventure. Cette crainte, grâce à Dieu, n’est point fondée ; le peuple américain sait bien que la nation en France n’a jamais été malveillante envers lui : aussi les plus récentes nouvelles des États-Unis nous apprennent-elles que le nord n’éprouve aucun ressentiment contre nous, et ne songe nullement à une expédition contre le Mexique. La presse américaine se montre sensible aux marques persévérantes de sympathie que la presse libérale de France a données à la cause fédérale. Nous croyons que notre gouvernement a répondu habilement à ces bonnes dispositions en nommant M. de Montholon son représentant à Washington. Ç’a été jusqu’à ce jour un préjugé ridicule de notre diplomatie de ne compter Washington que comme un poste secondaire. Dans l’échelle de l’avancement, on croyait monter en quittant les États-Unis pour aller représenter la France dans la capitale morte de quelque petit état d’Europe. On préférait la société des chambellans d’une petite cour germanique au spectacle grandiose de cette démocratie laborieuse, audacieuse, bruyante, riche, si débordante des sèves de la vie moderne, à laquelle une noble intelligence comme Tocqueville n’avait pas dédaigné d’aller patiemment demander des enseignemens à notre usage. En donnant à M. de Montholon le poste des États-Unis, on entre dans la vérité ; on place dans une situation qui en a peu d’égales en importance un homme digne de la remplir. On envoie aux Américains un ministre français qui les connaît, qui est connu d’eux, un homme qui sait le Nouveau-Monde et peut s’élever au-dessus des séniles préjugés de l’ancien, un véritable représentant en un mot de la mutuelle sympathie qui doit unir nos deux nations.

Au surplus, chaque courrier des États-Unis nous rapproche de la crise finale. Les états confédérés sont coupés de toutes leurs communications avec la mer. Charleston est tombé après Savannah, Wilmington après Charleston, Sherman s’avance sans obstacle dans les Carolines, trouvant désormais des bases d’opération dans les places du littoral abandonnées