Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de porcelaine de Limoges, etc., n’étaient-ce pas là aussi des usines dignes d’être mentionnées, et dont la description aurait dû passer avant telle fabrique de coutellerie ou de bouchons sur laquelle le vulgarisateur s’est étendu ?

Ces réserves faites, il est juste de reconnaître que le livre de M. Turgan satisfait à l’un des desiderata de notre époque, et peut rendre à ce titre de vrais services. La manière dont l’auteur vulgarise la science et nous initie à la connaissance de ses plus utiles applications nous semble très heureuse. Les développemens historiques par lesquels il prélude volontiers à la description de chaque industrie sont présentés avec art ; le tableau même des usines se déroule le plus souvent au milieu de détails attachans. Le côté moral et économique des questions industrielles est aussi parfois abordé. Enfin des dessins faits d’après nature représentent les principales opérations décrites dans le texte, et ces vues ont le mérite de n’être pas imaginaires comme la plupart des illustrations qui ornent tant d’autres ouvrages de science appliquée. Il nous reste cependant une observation à faire à l’auteur. Dans les publications populaires, la forme littéraire doit aller de pair avec l’exactitude scientifique ou industrielle, car l’on ne vulgarise véritablement que par une façon d’écrire à la fois limpide, claire et concise. Ici toutes ces conditions ne sont malheureusement pas remplies. Si une échappée philosophique se présente parfois à l’esprit, il faut aussi savoir la saisir, et ne pas craindre, à propos d’industrie et d’usines, de faire au besoin une excursion dans le domaine des questions sociales. Notre siècle en effet n’a pas seulement réhabilité le travail, il a relevé aussi le travailleur par l’invention des nouvelles machines, et l’un des esprits les plus profonds de l’antiquité, Aristote, semble avoir prévu cette grande révolution lorsqu’il écrit que « l’esclavage serait détruit le jour où le fuseau et la navette marcheraient seuls. » Quant au parallèle entre les industries françaises et celles de l’étranger, si M. Turgan tient à l’établir, qu’il mesure alors sérieusement toute l’étendue de cette tâche, et se mette à l’œuvre avec résolution. La France peut sur quelques points donner des leçons utiles aux autres nations ; mais l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, sont en mesure de lui rendre à bien des égards ses enseignemens. C’est une sorte de concours à ouvrir entre tous les peuples, une joute du travail industriel à engager.


L. SIMONIN.


V. DE MARS.