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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/564

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LES
KABYLES DU DJURDJURA

I.
LA SOCIETE KABYLE AVANT LA CONQUÊTE.

L’insurrection algérienne de 1865 a mis en relief un contraste digne de fixer l’attention : tandis que des tribus arabes rompues depuis longues années à la domination de la France prêtaient leur concours à la révolte, la partie du Tell la dernière conquise, la plus peuplée, la mieux appropriée à la résistance, demeurait calme et fidèle. Nous voulons parler de la Grande-Kabylie, ce redoutable massif montagneux qui commence à seize lieues est d’Alger, sur la rive droite de Tisser, se prolonge jusqu’à Bougie entre la mer au nord et la rive gauche de l’Oued-Sahel au sud et à l’est, mesure 170 kilomètres de côtes[1], offre 900,000 hectares de surface, et peut armer plus de 80,000 combattans sur 500,000 âmes de population[2].

  1. Dellys et Bougie sont les deux porte de la Grande-Kabylie. Le petit port de Dellys, à vingt-deux lieues est d’Alger, ne présente pas toujours un abri sûr ; la rade de Bougie au contraire, à trente-six lieues est de Dellys, passe pour la meilleure de tout notre littoral africain.
  2. Les montagnes des Babors, où l’on signale quelques troubles qui préoccupent aujourd’hui l’opinion publique, sont à l’est et complètement en debors de la Grande-Kabylie ; la plus courte distance qui les sépare de l’Oued-Sabel est de quinze lieues. Les Babors occupent un territoire fort restreint ; la population y est bien d’origine kabyle, mais de sang mêlé à l’arabe Peu nombreuse, pauvre, sauvage, sans industrie, elle n’a point de relations avec les habitans de la Grande-Kabylie, qui en aucun temps, — il importe de le remarquer, — ne lui ont envoya des renforts pour nous combattre. D’ailleurs le mouvement actuel des Babors, dirigé contre leurs chers indigènes plus que contre l’autorité française, date déjà du mois de novembre 18G4, sans avoir trouvé d’écho dans la Grande-Kabylie. Conquis en 1853, les Babors nous ont habitués en 1856, 1858, 1860, à des soulèvemens qui n’ont jamais pris de développement grave, et qu’on a réduits sans peine dès que la saison le permettait.