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naissance. Cela même ne suffit pas : il lui faut l’assurance et la preuve qu’on les donne en toute ingénuité et bonne foi, sans arrière-pensée, entiers et purs de toute altération. Rien de moins avisé, quand on apporte son contingent au dépôt toujours grossissant des archives de l’histoire, que de faire à dessein le mystérieux et de s’envelopper de nuages volontaires. Le comble enfin de la méprise serait d’annoncer les pièces nouvelles, comme s’il s’agissait d’une machine de guerre de récente invention dont on attendrait le triomphe de son parti et la confusion de tous les autres. Par malheur, dans l’introduction mise en tête des mémoires du cardinal, on n’a pas su se garder de ces allures douteuses qui jettent tout de suite en défiance les esprits soupçonneux. Tous auriez par exemple aimé à savoir au juste d’où venaient les précieux manuscrits ; on ne vous en dira rien. En revanche, l’éditeur vous apprendra volontiers comment, dans cette fatale année 1858, tandis qu’il résidait à Rome, « obsédé, dit-il, par des pressentimens funestes, » certains personnages dont vous demanderiez vainement les noms se trouvèrent tous d’accord pour reconnaître qu’afin de conjurer les périls imminens qui menaçaient la papauté, le plus pressé était de « l’initier au secret du dépôt entre leurs mains des mémoires de Consalvi et de le charger de les mettre en œuvre. »

L’idée de cette mise en œuvre des mémoires du cardinal au profit des intérêts d’une cause particulière, voilà bien d’où sont provenus les ombrages qui peut-être persistent encore ; hâtons-nous d’ajouter que, pour notre compte, nous ne les croyons pas fondés. Tout porte au contraire à supposer que si, comme le prouvent quelques-unes de ses notes, le traducteur de Consalvi n’a pas toujours bien saisi, je ne dis pas le sens ou la pensée, mais la nature même de l’intérêt qui s’attache aux révélations du cardinal, jamais du moins il ne s’est, de propos délibéré, appliqué à le défigurer ; la meilleure preuve m’en paraît être dans le ton d’équité et de douceur qui règne d’un bout à l’autre de ces mémoires. Chose singulière, il semble que l’on ait préparé cette publication comme on monte un coup de parti ; en réalité, il se trouve que c’est une œuvre parfaitement modérée, consciencieuse et impartiale. L’auteur nous raconte tout uniment les choses comme elles se sont passées. Il ne se surfait point lui-même et ne surfait personne. Il dit le bien et le mal, le fort et le faible de chacun. Aucune opinion extrême n’a le droit d’aller chercher dans son récit une occasion de complet triomphe sur l’opinion rivale ; je dirai plus, il n’en est point qui n’ait dû, à cette lecture, se sentir contrariée et comme atteinte par quelque côté : de là le silence calculé de quelques-uns des organes de la publicité, en sorte que la valeur propre et le mérite particuliers