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l’air. Enfin, depuis la révolution de 1848 et l’abdication du roi Louis, le gouvernement avait changé de politique : il ne faisait plus, comme vingt ans auparavant, dépendre des beaux-arts le salut de l’état ; il commençait même à trouver onéreuse la seule charge d’entretenir ce que le passé lui avait légué. Rangé désormais sous l’influence autrichienne, il faisait fondre des canons au lieu de commander des fresques, et n’élevait plus, en fait de monumens, que des séminaires et des casernes ; les intérêts de la cour de Rome lui tenaient plus au cœur que ceux de l’esthétique, et l’art ne trouvait plus d’aliment que dans le goût des particuliers. Toutes ces circonstances ont contribué à faire entrer le réalisme dans une période entièrement nouvelle et très distincte de la première en ce qu’elle reste indépendante de l’architecture.

Un autre trait caractéristique de cette seconde phase du réalisme est d’avoir été moins brutale que la précédente. À Düsseldorf, il était impossible de passer sans transition de ce romantisme dont l’école s’était jusque-là inspirée à la pure imitation de la nature. À Munich, les artistes, ne travaillant plus exclusivement pour les monumens publics, cessèrent de se considérer comme les dispensateurs d’un enseignement national, et purent dès lors accorder une attention plus libre à la partie esthétique de l’art. On peut dire qu’à cette époque le réalisme, devenu général, a été tempéré à Düsseldorf par l’idéalisme ancien, à Munich au contraire par l’idéalisme naissant. Tout en se renfermant dans l’imitation de la réalité, les peintres ont du moins cherché à la saisir sous ses aspects les plus favorables. Parmi les matériaux que fournit la nature, ils ont choisi ceux que le goût préfère ; ils en ont étudié avec un grand soin les aspects les plus intéressans, et par exemple, dans le paysage, les clairs de lune, les crépuscules, les effets d’hiver, de printemps ou de tempête. Grâce à la variété et aux richesses de leur modèle, ils ont pu s’élever très souvent jusqu’à la beauté là même où ils ne songeaient qu’à l’exactitude. De plus, ils ont cultivé avec succès le côté technique de la peinture. Si leur dessin manque de hardiesse et parfois d’élégance, il est presque toujours d’une correction remarquable. les derniers peintres de Düsseldorf ont fait notamment du coloris une étude toute particulière ; ils ont distribué et combiné les teintes avec une habileté savante qui forme contraste avec la monotonie des premiers peintres de cette école et avec la négligence de Cornélius.

Un dernier caractère du réalisme de cette époque est de ne pas s’être renfermé, comme autrefois, dans les limites de l’histoire, et d’avoir envahi le domaine de l’art tout entier. C’est surtout dans la peinture de genre et dans le paysage qu’il a fait preuve d’une étonnante