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à un si haut degré chez Cornélius, qu’on est tenté de lui crier, chaque fois qu’on rencontre ses œuvres : « Prenez donc une plume et jetez là vos pinceaux ! »

Le réalisme a, vis-à-vis du genre symbolique, le mérite d’avoir ramené la peinture vers des objets qu’elle est du moins capable de présenter d’une manière claire et complète ; mais d’un autre côté il offre encore avec lui plus d’un caractère commun. Le réalisme, quand il est brutal, quand il ne s’attache qu’à la simple reproduction des faits, et a pour règle, non la beauté, mais l’exactitude, quand il se renferme en un mot dans les limites d’une copie, n’est pas plus de l’art que le symbolisme ; il n’est à l’égard de la peinture que ce que l’histoire est à la poésie. Ce n’est pas cependant que nous voulions le proscrire d’une manière absolue. Malgré nos préférences pour l’idéalisme, nous devons reconnaître que la représentation du vrai est quelquefois utile et même agréable. Aristote fait observer avec raison que toute imitation de quelque objet que ce soit cause déjà du plaisir en tant qu’imitation, et parce qu’elle excite notre imagination à s’exercer sur la chose représentée ; mais ce charme n’est que celui que l’on rencontre aussi dans la méditation de l’histoire, quand notre pensée se reporte vers les événemens racontés. L’élément esthétique est là à son minimum, et nous n’avons en pareil cas que l’art à son plus bas degré. Au-dessus du réalisme se placent déjà tous ces peintres qui, en prenant encore la nature, la vie réelle ou l’histoire pour base, savent ne choisir que les matériaux les plus propres à nous charmer, ou qui, tout en reproduisant des événemens et des paysages, ou en offrant des portraits, élaborent les élémens de leur représentation de manière à leur prêter plus de beauté, de pittoresque ou de grandeur qu’ils n’en ont dans la réalité. Cette combinaison de l’agréable et du vrai comporte une multitude de degrés. Ce réalisme plus ou moins mitigé est aujourd’hui très répandu en Allemagne, et, pour peu que le côté esthétique y prenne plus d’importance, on peut s’attendre à en voir sortir quelque jour un idéalisme nouveau.

L’idéalisme, c’est l’art lui-même dans toute sa pureté et son indépendance ; c’est ce système dans lequel l’artiste, affranchi de toute préoccupation étrangère à l’art, recherche avant tout la beauté et les autres qualités esthétiques. Il peut encore emprunter des matériaux à l’histoire, quelquefois même, comme l’a fait Kaulbach, au symbolisme ; mais c’est le goût, et non l’exactitude ou l’esprit philosophique, qui le dirige dans le choix et la distribution des élémens qu’il demande à ces diverses sources. C’est ainsi que dans les toiles de Raphaël la religion n’a plus que l’importance d’un prétexte : ce que le génie de l’artiste a voulu avant tout, c’est inspirer ce sentiment de beauté qui naît, dans la peinture, de la perfection