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confident et même un collaborateur. Aulu-Gelle prétend qu’il l’a aidé dans la composition de ses ouvrages, et la correspondance ne dément pas cette opinion. Un jour que Tiron était resté malade dans quelque maison de campagne, Cicéron lui écrivait que Pompée, qui était alors en visite chez lui, lui avait demandé de lui lire quelque chose, et qu’il lui avait répondu que tout était muet dans sa maison quand Tiron n’y était pas. « Ma littérature, ajoutait-il, ou plutôt la nôtre languit de votre absence. Revenez au plus tôt ranimer nos muses. » En ce moment, Tiron était encore esclave. Ce n’est qu’assez tard, vers l’an 700, qu’il fut affranchi, Tout le monde, dans l’entourage de Cicéron, applaudit à cette juste récompense de tant de fidèles services, Quintus, qui était alors en Gaule, écrivit tout exprès à son frère pour le remercier de lui avoir fait un nouvel ami. Dans la suite, Tiron acheta un petit champ, sans doute avec les libéralités de son maître, et Marcus, dans la lettre qu’il lui écrit d’Athènes, le raille agréablement des goûts nouveaux que cette acquisition va développer en lui, « Vous voilà donc propriétaire, lui dit-il ; il vous faut quitter les élégances de la ville et devenir tout à fait un paysan romain. Quel plaisir j’ai à vous contempler d’ici sous votre nouvel aspect ! Il me semble que je vous vois acheter des instrumens rustiques, causer avec le fermier, ou garder, au dessert, dans un pan de votre, robe, des semences pour votre jardin ! », Mais, propriétaire et affranchi, Tiron n’était pas moins au service de son maître que lorsqu’il était son esclave.

Sa santé était mauvaise, et on ne la ménageait guère. Tout le monde l’aimait, mais, sous ce prétexte, tout le monde aussi le faisait travailler. On s’entendait pour abuser de sa complaisance, qu’on savait inépuisable. Quintus, Atticus, Marcus, exigeaient qu’il leur donnât sans cesse des nouvelles de Rome et de Cicéron. À chaque surcroît d’occupation qui survenait à son maître, Tiron en prenait si bien sa part qu’il finissait par tomber malade. Il se fatigua tant pendant le gouvernement de Cilicie que Cicéron fut contraint de le laisser à Patras. C’était bien à regret qu’il se séparait de lui, et, pour lui témoigner la douleur qu’il avait de le quitter, il lui écrivait jusqu’à trois fois dans le même jour. Les soins qu’en toute occasion Cicéron prenait de cette santé délicate et précieuse étaient infinis : il se faisait médecin pour le guérir. Un jour qu’il l’avait laissé mal disposé à Tusculum, il lui écrivait : « Occupez-vous donc de votre santé, que vous avez négligée jusqu’ici pour me servir. Vous savez ce qu’elle demande : une bonne digestion, point de fatigue, un exercice modéré, de l’amusement, et le ventre libre. Revenez joli garçon ; je vous en aimerai mieux, vous et Tusculum. » Quand le mal était plus grave, les recommandations étaient plus longues aussi. Toute la famille