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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/706

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d’Antioche, d’Aquilée, de Milan, d’Alexandrie, de Thessalonique et d’Athènes, ainsi qu’à celui de Trèves. Voici la lettre envoyée à Trèves : « L’auguste sénat de Rome à la curie de Trèves : — Comme vous êtes libres et que vous l’avez toujours été, vous vous réjouirez, croyons-nous, de ce qui vient de se passer. Le droit de choisir le prince a été rendu au sénat, et tous les appels ressortiront désormais du préfet de la ville. »

On le voit, Trèves est la seule ville de la Celtique à qui le sénat de Rome fasse le même honneur qu’aux plus célèbres cités de l’ancien monde, Athènes, Corinthe, Alexandrie, Carthage. C’est que, pendant le cours du IIIe siècle, Trèves s’était trouvée, à plusieurs reprises, la résidence des empereurs, et de fait, sinon par une officielle proclamation, la capitale de l’empire. La confédération des Francs apparaît dans l’histoire vers 250 ; elle réunit, sous une fière et menaçante dénomination (les hardis, les indomptables), ces Istewungs) ces Germains occidentaux avec lesquels l’empire était en contact depuis trois siècles. À la formation de cette ligue correspond une recrudescence d’attaques sur la frontière rhénane. Les empereurs sont obligés d’accourir et de séjourner tout près de ces marches orientales sans cesse envahies et ravagées. Gallien réside à Trèves et y déploie un faste oriental, en même temps que son lieutenant Posthumus, grand capitaine à qui les légions gauloises déférèrent bientôt après l’empire, combat sur le Rhin. Posthumus, pendant ce règne ou plutôt pendant cette bataille de neuf ans qui lui valut le titre de restaurateur de la Gaule, restitutor Galliœ, dut prendre parfois ses quartiers d’hiver à Trèves ; une voie militaire reliait Trèves à Cologne (Colonia Agrippina) par Coblentz (Confluentes), tandis que deux autres la mettaient en communication avec Mayence (Moguntiacum). C’est à Trèves, bientôt après, que l’on battait monnaie à l’effigie de Victoria, « la mère des camps, » cette femme d’une haute intelligence et d’un génie héroïque qui fit successivement quatre empereurs, son fils, son petit-fils, Marius, l’ouvrier armurier, et Tetricus, gouverneur d’Aquitaine. On comprend pourquoi, après la mort d’Aurélien et l’élection de Tacite, le sénat de Rome témoigna tant d’égards au sénat de Trèves. Cette cité apparaissait déjà comme une de ces capitales secondaires qui, dans les deux derniers siècles de l’empire, se partageraient les empereurs et remplaceraient Rome, trop entêtée de son passé, trop éloignée aussi des frontières menacées.

La lettre du sénat romain n’arriva d’ailleurs probablement pas à son adresse : au moment où partait le message, la curie de Trèves était dispersée, égorgée ou captive ; un déluge de barbares, Germains et Slaves, inondait la Gaule, où soixante cités tombaient au