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à filer de la laine et à faire du drap pour l’armée, — deux fabriques d’armes, — une direction générale de l’orfèvrerie et des mines. Les écoles de Trèves étaient célèbres. De tous les professeurs de rhétorique des Gaules, le mieux payé d’après une constitution de Gratien, c’était celui de Trèves. C’est que de toutes les villes où résidèrent les empereurs du IVe siècle, pendant le cours de leurs règnes laborieux et troublés, ce fut encore Trèves qui les vit séjourner le plus souvent dans ses murs avec leur cortège d’officiers généraux et de hauts fonctionnaires. On trouve dans le code théodosien, entre 314 et 390, cent quarante-huit lois et rescrits datés de Trèves, tandis que le même recueil n’en contient guère qu’une trentaine qui aient été, pendant cette même période, donnés et signés à Rome.

Cependant le moment était venu où la force de l’attaque allait dépasser celle de la résistance. Gratien s’était déconsidéré, auprès des légions et des auxiliaires germains, en passant sa vie à tuer des bêtes fauves dans les amphithéâtres de Trèves et de Paris. Son meurtrier et successeur Maxime, qui résida aussi à Trèves, y donne le premier, malgré saint Martin de Tours, l’exemple d’une condamnation à mort prononcée pour crime d’hérésie. C’est à Trèves que fut scellée dans le sang du malheureux Priscillianus cette funeste alliance entre l’église et l’état qu’avaient ébauchée Constantin et ses fils. Que de victimes fera, pendant le long et triste moyen âge, ce pacte odieux, ce pacte sacrilège que l’on ose parfois, aujourd’hui même, célébrer et admirer à grand bruit !

C’est là le dernier souvenir de quelque importance qui se rattache à la Trèves romaine et à son rôle de capitale. Bientôt après à Maxime succédèrent Valentinien III, puis le rhéteur Eugène, créature du Franc Arbogaste. Théodose, dont le nom redouté suffisait pour contenir les barbares, réunit un instant pour la dernière fois les deux empires, puis mourut, laissant l’Occident à un incapable et lâche enfant, Honorius. La nouvelle de sa mort s’était à peine répandue au-delà du Danube et du Rhin, qu’Alamans et Francs forçaient la frontière. En 399, Trèves fut surprise et pillée par les Germains. L’apparition de Stilicon, ce barbare qui mérita d’être appelé le dernier des Romains, fit reculer les envahisseurs ; pourtant, dès 402, on trouve la résidence du préfet du prétoire des Gaules transférée à Arles, changement qui devint officiel et définitif en 418. Stilicon était mort, assassiné par Honorius. Ni le patrice Constance ni Aëtius ne songèrent à recouvrer la frontière du Rhin, contens de conserver à l’empire le pays compris entre la Somme, la Saône et la Loire. Trèves fut saccagée de nouveau en 411, en 420 et en 440. Après une cinquième destruction dont la date ne nous est pas connue, elle ne trouva un peu de repos que sous la domination