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des deux grandes puissances allemandes. Dans une dépêche à l’adresse du comte Rechberg et dont copie fut ensuite donnée à M. de Bismark, lord Russell demandait d’abord qu’on voulût bien indiquer les défauts (defects) trouvés à la patente du 30 mars, et il insista surtout pour qu’on séparât la question holsteinoise de celle du Slesvig, qui ne pouvait dépendre que d’une négociation européenne. « Si l’Allemagne, poursuivait le ministre britannique, persiste à confondre le Slesvig avec le Holstein, d’autres puissances de l’Europe pourraient bien confondre le Holstein avec le Slesvig et lui contester le droit de se mêler des affaires de l’un comme de l’autre. Une telle prétention pourrait devenir aussi dangereuse à l’indépendance et à l’intégrité de l’Allemagne que le serait une invasion du Slesvig à l’indépendance et à l’intégrité du Danemark. » Ce langage était significatif et cachait presque une menace. C’est que l’opinion en Angleterre commençait à s’émouvoir des procédés de la Germanie et que des interpellations pressantes se produisaient au sein du parlement, Lord Derby, qui blâmait sévèrement de cabinet pour son intervention diplomatique en Pologne, s’exprimait d’une manière toute différente au sujet de ses efforts pour la monarchie Scandinave. « L’intégrité de la monarchie danoise, disait le chef du parti tory, est d’une importance vitale pour notre pays ; il est de notre intérêt de soutenir (support) le Danemark contre toute prétention mise en avant par des nations ambitieuses : je répugne à la guerre, mais si la question était posée, si le Danemark devait être détruit ou lésé dans son intégrité, il ne pourrait exister alors aucun doute sur le devoir de l’Angleterre. » Aussi lord Palmerston faisait-il, le 23 juillet, dans la chambre des communes, la déclaration hautaine et depuis si souvent rappelée « que ceux qui voudraient s’attaquer à la monarchie de Frédéric VII pourraient bien ne pas avoir en définitive le Danemark seul à combattre ! »

Plus tard, quand l’opposition reprochait au gouvernement anglais avec tant d’amertume la dépêche du 31 juillet et les fières paroles qui l’avaient précédée de quelques jours au parlement, les ministres britanniques devaient expliquer qu’en affirmant que le Danemark ne serait pas seul à lutter pour son intégrité, ils avaient cru qu’il serait secouru par… la Suède[1] ! Sans doute le comte Manderstroem intervenait alors activement en faveur du gouvernement de Copenhague. « Nos intérêts les plus chers, disait une note du cabinet de Stockholm, ne pourraient guère nous permettre de

  1. Voyez les débats du parlement des 8 et 9 juillet 1864, surtout les discours de M. Layard, sous-secrétaire d’état, et du duc d’Argyil, membre du gouvernement.