Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séjour, surtout pendant la saison pluvieuse. On se figure aisément le capitaine Burton dans ce consulat, situé en face de l’hôpital militaire, voyant presque chaque jour, à l’heure de ses repas, l’entrée ou la sortie d’un « objet » soigneusement caché que portaient sur une civière quatre spectres fiévreux, et qui tantôt venait de la caserne, tantôt partait pour le cimetière. L’ennui le prit bien vite sur cette « terre de lotophages, » et il sentit l’impérieux besoin d’y échapper en donnant à son insatiable activité quelque nouveau but, en ajoutant un chant de plus à l’épopée humoristique de ses campagnes africaines. On ne s’explique pas autrement la démarche qu’il fit en 1861 auprès du gouvernement anglais pour obtenir la permission de se rendre officiellement dans la capitale du roi de Dahomey. La réponse à sa demande fut provisoirement ajournée ; mais à la fin de 1862 et au commencement de 1863 deux officiers de la marine anglaise, le commodore Wilmot et le capitaine Luce, se donnant à eux-mêmes la mission par lui sollicitée, prouvèrent ainsi que le projet, du capitaine Burton n’avait rien d’impraticable, et que les scrupules, les craintes du foreign-office étaient pour le moins exagérés. Lord John Russell dès lors n’hésita plus, et par une dépêche du 23 juin 1863 autorisa le départ du capitaine Burton, à qui une lettre subséquente (20 août) expliqua le double but à poursuivre dans les négociations qu’il allait essayer. Le roi de Dahomey avait dit lui-même au commodore Wilmot que « si l’Angleterre voulait en finir avec la traite des noirs, il fallait qu’elle empêchât les blancs de venir les acheter. » On le préviendrait donc tout d’abord que des mesures effectives allaient être prises contre l’exportation de la « marchandise prohibée, » et ceci de concert avec les États-Unis ; aux termes d’un traité récemment conclu. Le ministre entamait ensuite une question plus délicate. « Quant aux sacrifices humains, ajoutait-il, je lis avec plaisir dans le rapport du commodore Wilmot que le nombre des victimes immolées pendant les « coutumes royales » a été notablement ; surfait. Il est à craindre cependant qu’on n’obtienne pas aisément du roi un renoncement absolu à cette pratique barbare, plus ou moins ouvertement adoptée sur la plus grande partie de la côte occidentale africaine. Nous ne devons pas moins nous employer, dans la mesure de notre influence actuelle ou de celle que nous pourrons acquérir, à mitiger, s’il est impossible de les abolir, ces exécrables pratiques, et je compte pour cela sur vos efforts les plus zélés. » M. Burton devait en outre remercier le monarque africain d’avoir manifesté spontanément le désir que le commerce anglais s’établît à Whydah (Ouaïda), d’avoir offert son concours pour remettre en état l’ancien fort d’Angleterre, où serait autorisé l’entretien d’une garnison