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l’Ajo nel imbarrazzo. Pareillement le prince Lello, dans la Tolla de M. Edmond About, est pris sur le vif, et ses lettres ridicules sont authentiques. — Je réponds que je connais quatre ou cinq nobles ou grands seigneurs romains, tous parfaitement bien élevés et aimables, quelques-uns érudits ou cultivés, l’un entre autres prévenant comme un prince, spirituel comme un journaliste, savant comme un académicien, outre cela artiste et philosophe, si fin, si fécond en mots piquans et en idées de toute sorte qu’il défraierait à lui seul la conversation du plus brillant et du plus libre salon parisien. — On me réplique qu’il ne faut pas juger sur des exceptions, et que dans une compagnie de sots, si sots qu’ils soient, il y a toujours des gens d’esprit. Trois ou quatre (sans plus), ouverts, actifs, tranchent sur la foule moutonnière. Ceux-ci sont libéraux, les autres papalins, enfermés dans leur éducation, dans leurs préjugés, dans leur inertie, comme une momie dans ses bandelettes. On trouve sur leur table de petits livres dévots ou des chansons grivoises ; à cela se réduisent leurs importations françaises. Leurs fils servent dans la garde noble, se font une raie au milieu de la tête, et poursuivent les femmes de leur sourire de coiffeur.

Très peu de salons ; l’esprit de société manque, et on ne s’amuse guère. Chaque grand seigneur reste au logis, et le soir reçoit ses familiers, gens qui appartiennent à la maison comme les tentures et les meubles. On ne va pas dans le monde, comme à Paris, par ambition, pour se ménager des relations, pour acquérir des appuis ; de pareilles démarches seraient inutiles. C’est dans d’autres eaux, dans les eaux ecclésiastiques, qu’il faut pêcher. Les cardinaux sont le plus souvent fils de paysans ou de petits bourgeois, et chacun d’eux a son entourage intime qui le suit depuis vingt ans ; son médecin, son confesseur, son valet de chambre arrivent par lui et dispensent ses grâces. Un jeune homme ne parvient qu’en s’attachant ainsi à la fortune d’un prélat ou à celle de ses gens ; cette fortune est un gros vaisseau que le vent pousse et qui traîne après lui les petites barques. Notez que ce grand crédit des prélats ne leur donne pas de salons. Pour obtenir une faveur ou une place, il ne faut pas s’adresser à un cardinal, à un chef de service ; il répond très obligeamment et s’en tient là. Poussez des ressorts plus secrets, adressez-vous au barbier, au premier domestique, à l’homme qui passe la chemise. Un matin, il parlera de vous et dira avec insistance : « Ah ! éminence, un tel pense si bien, il parle de vous si respectueusement ! »

Une autre circonstance mortelle à l’esprit de société, c’est le manque de laisser-aller. Les gens se défient les uns des autres, veillent sur leurs paroles, ne s’épanchent pas. Un étranger qui pendant