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Un des traits curieux des manœuvres qu’on vient de raconter, c’est la part qu’eut dans les principaux succès de Sherman la destruction des chemins de fer. Avec quelle rapidité tombèrent, par suite de la suppression des voies rapides, les villes fortifiées du sud ! Après s’être défendu contre un bombardement de trois ans, opéré par une formidable escadre de navires cuirassés, Charleston succomba pour avoir perdu quelques milles de chemins de fer ! Quelle singulière race de soldats que ces destructeurs de rail-ways conduits à la victoire par Sherman ! et quel curieux exemple d’audace américaine !

La guerre est donc terminée maintenant. Qui ne se réjouira des succès de la grande et libérale république américaine ? Et qui pourra hésiter, en lisant le récit des dernières opérations militaires, à reconnaître l’influence qu’ont exercée sur la marche des événemens les efforts si heureusement combinés de Grant et de Sherman ? Grant au reste avait de bonne heure compris ce que valait Sherman. C’est en partie à lui que ce dernier, méconnu, regardé comme un excentrique alors que commandait Mac-Clellan, est redevable de son élévation graduelle. Après la campagne d’Atlanta, c’est encore le général Grant qui, dans une lettre écrite à ce sujet, présentait Sherman comme n’ayant que très peu d’égaux et pas de supérieur dans l’histoire militaire. Ce langage dans son exagération même prouve le noble désintéressement du général Grant. Il montre aussi ce que valent les hommes auxquels a été réservé l’honneur de terminer la guerre américaine.


ÉMERIC SZABAD, Officier d’état-major du général Grant.