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rendrait possibles un budget correctement et solidement aligné, vient d’assigner, dans la discussion générale des budgets, ce terme à nos espérances. Il faisait remarquer que depuis 1862 le budget ordinaire fournit des excédans de recette qui vont couvrir une portion toujours croissante des dépenses du budget extraordinaire. Ces excédans étaient de 66 millions en 1862 ; ils sont en 1865 de 138 millions, c’est-à-dire un peu supérieurs aux ressources de l’amortissement. Si, a-t-il dit, on suit pendant trois ans encore une progression semblable, l’excédant du budget ordinaire porté au budget extraordinaire s’élèvera à 200 millions. Alors, en admettant que les dépenses n’augmentent point, on aura un excédant de recettes d’une cinquantaine de millions que l’on pourra employer soit à développer les travaux publics, soit à réduire certains impôts, soit à amortir la dette. Il faut donc encore trois ans, selon le ministre qui assurément, avec M. Fould, a le plus à cœur l’alignement du budget, il faut trois ans pour que nous arrivions à un excédant. Ce n’est pas tout, il faut surtout que pendant la même période les dépenses n’augmentent pas. Il faudrait aussi, suivant nous, que l’on conservât la disponibilité des augmentations du revenu ordinaire. Or voici que par le nouveau projet de loi des travaux publics non-seulement on aliène des forêts de l’état, mais on engage pendant une série d’années les augmentations du revenu. Devant une telle perspective, la promesse de M. Vuitry devient irréalisable, et son renvoi à trois ans prend le caractère d’un ajournement indéfini. A nos yeux, la déclaration de M. Vuitry, émise dans la pensée de rassurer les esprits, quand on songe aux conditions dont elle est accompagnée, ne peut au contraire que les frapper de découragement. Nous ne savons pas de témoignage qui démontre avec plus de force qu’il est nécessaire de recourir au seul remède efficace, c’est-à-dire à une réduction radicale et prompte des dépenses.

C’est à cette conclusion énergique et sage qu’aboutit la discussion magnifique soutenue par M. Thiers. Jamais la lucidité merveilleuse qui illumine l’éloquence de cet homme d’état n’a rendu au pays un plus grand service. Sans doute les regrettables tendances de la politique financière avaient été plus d’une fois signalées. Nos lecteurs n’ont point oublié les travaux approfondis publiés dans la Revue sur cette question par M. Casimir Perier, les études très précises et très substantielles sur les budgets comparés de la France et de l’Angleterre que M. Victor Bonnet reproduit aujourd’hui dans un intéressant volume, le Crédit et les Finances ; mais les vives et claires démonstrations de M. Thiers ont imprimé pour ainsi dire en traits ineffaçables sur la conscience publique les faits qui constituent notre situation financière. Nous avons un revenu ordinaire, en impôts perçus, qui varie entre 1,900 et 1,930 millions, et nous faisons depuis quatre ans une dépense qui varié entre 2 milliards 200 et 2 milliards 300 millions. Nous décomposons nos dépenses en trois budgets, le budget ordinaire, le budget extraordinaire, le budget rectificatif. Ce sont ces deux derniers