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vernement français. On découvre même quel profit plus considérable encore il espérait en tirer dans l’avenir. Cependant il lui avait bien fallu, pour la terminer, faire quelques concessions aux scrupules reconnus insurmontables du secrétaire d’état de Pie VII. L’idée seule de ces concessions lui était insupportable. N’y aurait-il pas moyen de les mettre à néant, de reprendre en secret, n’importe à quel prix ; ce qu’on avait solennellement accordé ? C’est cette dernière tentative, inopinément révélée dans ses moindres détails par Consalvi, qu’il nous reste à raconter. Elle est certainement l’une des plus singulières à noter parmi les procédés peu avouables dont s’est jamais avisée la diplomatie la moins scrupuleuse.

C’est le 13 juillet que le premier consul avait fait déclarer au cardinal Consalvi par l’abbé Bernier qu’il acceptait tous les articles discutés. Il ne restait donc plus qu’à en dresser deux copies authentiques. L’abbé Bernier était charge de s’informer si le secrétaire d’état de sa sainteté entendait signer seul, auquel cas le premier consul, déjà fort attentif à mettre en avant les membres de sa famille dans toutes les occasions qui pouvaient leur donner du relief et de la popularité, se préparait à désigner son frère Joseph pour signer au nom de la France. Si le cardinal comptait s’associer d’autres personnes pour la signature, il était prié de les indiquer, afin que le gouvernement français pût en choisir lui-même un nombre égal et de pareille importance. Consalvi nomma Mgr Spina et le théologien Caselli. Dans la matinée du jour suivant, l’abbé Bernier vint annoncer que le premier consul avait nommé le conseiller d’état Cretet pour être l’égal du prélat Spina, et lui-même, l’abbé Bernier, pour faire pendant au père Caselli. Il ajouta qu’il ne lui semblait pas décent de procéder à un acte aussi important que l’échange des signatures dans un lieu public comme était l’hôtel où résidait le secrétaire d’état de sa sainteté ; il lui proposait donc, et c’était le désir du premier consul, de le conduire chez le citoyen Joseph, comme on disait alors, où s’accomplirait cette formalité. « Nous en finirons dans un quart d’heure, ajouta l’abbé, n’ayant rien autre chose à faire qu’à donner six signatures, lesquelles, y compris les félicitations, ne demanderont pas un temps si long ; » puis il finit en montrant au cardinal le Moniteur du jour, par lequel le gouvernement faisait connaître au public (qu’on note cette circonstance) la conclusion du concordat. On l’y annonçait dans ces termes : « Le cardinal Consalvi a réussi dans l’objet qui l’a amené à Paris. » Le jour suivant était le 14 juillet, où se célébrait la plus grande fête patriotique de France. L’intention du premier consul, toujours d’après l’abbé Bernier, était donc de proclamer, dans un dîner public de plus de trois cents couverts, l’heureuse nouvelle de la signature de ce solennel traité, qui