Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

graphiques. Ses ouvrages sont, pour la plupart, restés inédits, et, sans doute par un souvenir toujours vivant des persécutions dont la pensée fut l’objet sous le règne des Bourbons, les personnes qui possèdent les manuscrits de Miceli refusent de les publier, de s’en dessaisir, d’en laisser prendre des copies, et même, faut-il le dire ? le plus souvent de les communiquer. C’est seulement dans ces dernières années qu’un savant sicilien, M. Vincenzo di Giovanni, a pu obtenir que ces précieux papiers fussent laissés quelque temps entre ses mains. Une étude attentive, d’ingénieux rapprochemens avec les ouvrages de Miceli qui ont vu le jour soit de son vivant, soit après sa mort, ont permis à M. di Giovanni de faire connaître les doctrines de ce philosophe, sinon en publiant les textes mêmes, du moins en composant trois dialogues à la manière antique, dans lesquels Miceli discute avec Guardi et Zerbo, ses deux principaux disciples, dont les écrits ne font guère, paraît-il, que reproduire assez fidèlement les opinions du maître. On pourrait douter que M. di Giovanni ait pris le meilleur moyen de faire connaître son auteur ; mais il faut se rappeler que l’autorisation n’a encore été donnée à personne de publier les œuvres inédites de Miceli. Qui sait même si des écrits de ce genre trouveraient dans le texte original ou dans une traduction assez de lecteurs pour qu’on fasse jamais les frais d’une telle publication ? Après tout, si M. di Giovanni a commis par endroits de légères inexactitudes, peu de personnes, j’imagine, sont en état de les relever, et par cette exposition comme par la notice biographique dont elle est précédée le savant interprète a plus fait pour la mémoire de Miceli que ses précédens admirateurs. Il a trop fait peut-être : nous devons nous tenir en défiance contre cet enthousiasme excessif pour tout ce qui est sicilien. En voyant M. di Giovanni écrire que « la Sicile, déjà illustre du temps des Grecs, ne le cède encore aujourd’hui à aucun pays du monde, » on peut se demander s’il faut le croire quand il nous assure que Miceli, mieux connu, serait l’honneur de l’Italie. Heureusement les détails qu’il nous donne permettent de reconnaître que ses assertions méritent le plus souvent confiance et de discerner sans trop de peine ce qu’il y a d’exagération dans ses éloges.

Miceli, né en 1733 à Monreale, d’une humble et obscure famille, avait pris la seule voie qui fût ouverte à cette époque aux enfans du peuple dont l’intelligence paraissait supérieure à leur condition : il était entré au séminaire et y avait reçu les ordres. Il devint successivement curé d’une paroisse, puis modérateur des études au séminaire de Monreale ; mais il n’occupa que cinq ans ces dernières fonctions, car, d’une santé depuis longtemps altérée, il mourut âgé de quarante-huit ans, en 1781. Sa vie s’écoula dans le calme qui convient aux hommes d’étude, et ne fut signalée que par son enseignement et la composition de ses ouvrages. Les deux principaux, encore inédits, sont un Saggio scientifico, essai inspiré des œuvres de Leibnitz et de Wolf et rédigé à vingt-cinq ans, puis une Prefa-