commissaire surpris au saut du lit par une telle visite pouvait être induit en erreur : la science, trop souvent éprise de théories et d’hypothèses, se montrait indulgente et facile ; mais quel homme impartial et de sang-froid pouvait ajouter foi à une telle fable ? Pourquoi d’ailleurs ces trois heures d’attente et de réflexion ? Est-ce que le véritable innocent reste dans cette torpeur ? Est-ce qu’il n’appelle pas immédiatement au secours ? Est-ce qu’il ne lui faut pas les lumières et le bruit ? A n’écouter que les inductions morales, Renouf était un scélérat consommé qui avait à loisir médité son forfait. Et à quel point sa culpabilité était plus évidente, si l’on songeait que l’heure, le lieu, la solitude, l’instrument même du crime, déposaient contre lui ! Le procureur impérial requérait contre l’accusé toute la sévérité des lois.
L’avocat d’Isidore présenta la défense de son client avec une indignation émue. Il insista sur les antécédens de l’accusé. On ne passe pas en une heure de la vertu à la scélératesse. Il rétorqua un à un, et autant qu’il le put, les argumens du ministère public. Il fut forcé de reconnaître qu’aucune preuve réelle et palpable ne venait au secours d’Isidore, mais il en appela dans cette mystérieuse affaire à l’intime émotion qui dès l’ouverture des débats avait gagné tous les cœurs, à ce sentiment de souveraine et sereine équité qui veut que le juge s’abstienne quand il a le plus léger doute sur la culpabilité de l’accusé.
Lorsqu’on demanda à Isidore s’il n’avait rien à ajouter à sa défense, il se leva, et, la main droite étendue, les yeux humides, mais brillans, il s’écria d’une voix forte : — Je jure que j’ai dit toute la vérité, et que je n’ai pas commis le crime dont on m’accuse.
À ce moment, M. Gestral regarda M. Darronc. Il était fort pâle et essuyait son front couvert de sueur. La cour se retira pour délibérer, et, rentrant une demi-heure après, rendit un verdict de non-culpabilité. — Monsieur, dit alors le président à Isidore, vous retournez à la société après avoir subi une épreuve terrible. Bien que les circonstances les plus étranges se réunissent pour vous accabler, vos juges ont cru à votre désespoir des premières heures, à la loyauté de votre regard, à la sincérité de votre accent. La vérité ne saurait se discuter longtemps ; elle s’impose et force les convictions. Elle a, selon nous, éclaté dans votre conduite, dans vos paroles, sur votre front d’une façon irréfutable et touchante. Pleurez en paix, au milieu du respect et de la pitié de tous pour le malheur qui vous a frappé, la femme que vous avez perdue ! Quant au véritable assassin, en quelque lieu qu’il se trouve, le doigt de Dieu le désignera tôt ou tard à la justice des hommes.
Cette allocution du président venait bien. Même après le verdict, elle soulageait tous les cœurs d’un reste d’angoisse. Un homme ne