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En attendant cette jonction tant désirée, Montecuculli, avec les faibles ressources dont il disposait, tenait en échec l’armée des Turcs, qui s’était portée sur les frontières de la Croatie et lui disputait fort habilement le passage de la Drave. Il avait couvert ses troupes par ce retranchement naturel, comprenant que, s’il lui fallait engager le combat avant l’arrivée des auxiliaires, sa petite armée serait écrasée. Au commencement de juin, les Turcs mirent le siège devant cette forteresse de Zriniwar, qui avait servi de prétexte au renouvellement de la guerre. Sortant alors de sa position, Montecuculli tenta de pénétrer dans la place. Ce fut en vain ; la présence de sa petite armée, qui, malgré l’arrivée des contingens de la ligue du Rhin, était forte à peine de 10,000 hommes, ne fit que retarder de quelques jours la prise de la forteresse. La garnison périt tout entière ; on y perdit, avec d’autres officiers distingués, le comte Strozzi, qui au retour de son ambassade en France, s’était hâté de rejoindre l’armée.

Le grand-vizir cependant montait et descendait le long de la rive gauche de la Drave, cherchant à dérober ses mouvemens au général autrichien. Il voulait à tout prix trouver un passage pour déborder dans la Styrie ; mais les cavaliers croates, avec la connaissance qu’ils avaient du pays et l’habitude de la tactique des Turcs, rompaient tous ses plans, et arrivaient toujours à point nommé sur la rive opposée. Les Turcs s’irritaient d’être ainsi devinés et prévenus : ils mirent en croix quelques malheureux renégats qu’ils accusaient de livrer le secret de leurs manœuvres. La vigilance et l’activité des Croates n’y perdirent rien. Enfin le grand-vizir, rebuté de ses marches et contre-marches inutiles, changea brusquement de résolution, et, tournant le dos au fleuve, il fit marcher son armée au-delà du lac Balaton, s’élevant vers le nord, de manière à menacer Vienne. Montecuculli ne vit pas ce mouvement sans la plus vive alarme. Les Turcs, prenant ainsi l’avance sur lui, n’avaient entre eux et la capitale d’autre obstacle que la rivière du Raab. Si l’on ne parvenait pas à les gagner de vitesse, à traverser le fleuve avant eux et à s’établir sur l’autre rive afin de leur en disputer le passage, Montecuculli ne se dissimulait pas qu’il resterait peu d’espoir à la cause chrétienne. « Nous perdions notre ligne de communication, dit-il, l’intérieur du pays était livré à l’invasion, et nos troupes, déjà plus disposées à fuir qu’à combattre, se débandaient infailliblement. » On sent de quelle importance était à ce moment décisif l’arrivée de troupes fraîches, bien disposées et venant tout exprès chercher cette grande bataille que Montecuculli évitait depuis un an.

Par bonheur, en remontant vers le nord, l’armée impériale se rapprochait des alliés, qui la cherchaient. Le 17 juillet 1664, elle