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débattant, jeté la jambe montoire de devant par-dessus les traits ; le mallier se cabre ; les chevaux de cheville et de volée continuent leur rapide évolution demi-circulaire ; tout va culbuter, mais le pourvoyeur et le premier servant arrivent à toute carrière pour réparer le désordre et permettre à la pièce d’aller prendre son rang de bataille. Au centre de la composition, un jeune officier, dans une pose un peu trop emphatique, brandit son sabre et s’écrie : En avant ! Tout cela est enlevé avec un entrain plein d’énergie ; les chevaux sont étudiés dans tous leurs détails et exécutés avec une sûreté de main qu’il est rare de rencontrer à un tel degré de perfection. C’est la vérité prise sur le fait et traduite sur la toile. Je crains cependant que M. Schreyer, dont la brosse est si magistrale et si puissante, ne recherche trop les effets faciles d’une coloration de convention. L’an dernier, nous lui avions reproché les tons gorge-de-pigeon qui déparaient son Arabe en chasse ; cette année, nous lui adresserons la même observation pour sa Charge de l’artillerie de la garde ; le ciel est d’une nuance indécise qui varie du gris au rose en passant par le lilas. C’est de l’afféterie, et elle est déplacée dans un tableau de cette valeur ; elle lui ôte quelque chose de sa sévérité, de sa largeur, de sa force ; elle disperse l’effet au lieu de le concentrer, et donne à la facture les apparences d’une mollesse qu’elle n’a pas en réalité. M. Schreyer est un peintre dans toute l’acception du mot ; il voit, conçoit et exécute. Je n’ai qu’un regret, c’est qu’au lieu d’être né en France, il soit né en Allemagne.


IV

La peinture de genre, par sa conception et ses procédés, se confond tellement aujourd’hui avec la peinture de paysage qu’il est assez difficile de définir la limite exacte qui les sépare. Elles se prêtent un mutuel secours, et trouvent l’une par l’autre des ressources qui ne leur sont point inutiles. Elles arrivent ainsi à des résultats plus complets, et qui parfois sont excellens. M. Adolphe Breton reste encore le maître de ce double genre. Il se copie un peu trop lui-même, il use trop souvent du même moyen extérieur, qui consiste dans un effet de soleil éclairant ses personnages par en haut et laissant dans l’ombre leur partie inférieure, ce qui cerne les contours en les dorant, leur donne un relief plus accentué, mais les rend parfois trop creux, en un mot les fait lanterner, c’est-à-dire semble les éclairer par transparence. Cette habitude serait un défaut chez M. Breton, si l’extraordinaire fermeté de sa touche, toujours très précise sans être jamais sèche, ne la contre-balançait d’une façon tout à fait victorieuse. Les paysannes de M. Breton