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qu’il convoitait il y a vingt ans, pour la fin de sa vie, la solitude et le repos. Son vœu est exaucé. Ces jours de calme et de retraite, il les a vus venir, non pas à l’heure qu’il eût voulu et encore moins aux conditions qu’il eût choisies, mais tels que pour sa gloire il les pouvait rêver, dignes, respectés, féconds, pleins de sève et d’ardeur : heureuse arrière-saison, où les souvenirs du monde ; les échos de la politique ne sont plus que le délassement d’une âme incessamment aux prises avec de plus sérieux problèmes. C’est là, dans ces hauteurs, dans ces régions sereines, pendant qu’il s’interroge sur ses croyances et sur sa destinée, que la guerre l’est venue chercher, non la guerre personnelle et corps à corps comme autrefois, un autre genre de guerre moins directe, plus générale, et néanmoins peut-être plus provocante encore. Il n’est pas homme à refuser la lutte. Sous le poids des années qu’il porte vaillamment, plus fort, plus résolu, plus jeune que jamais, le voilà descendu dans l’arène ; il sera militant jusqu’au bout.

Que vient-il faire ? quel est son plan ? sur quel terrain se place-t-il ? Le volume qui est là sous nos yeux répond à ces questions. Ce n’est qu’un premier volume, mais à lui seul il forme un tout, il est une œuvre qu’on ne peut étudier de trop près, qu’on ne peut mettre en trop vive lumière. Les développemens, les additions, les supplémens de preuves que trois autres volumes apporteront bientôt, donneront sans doute à l’ouvrage une base plus large et plus solide encore ; tel qu’il est, nous le tenons, sans autre commentaire, pour une réponse efficace aux attaques de tout genre récemment dirigées contre les fondemens des croyances chrétiennes, ou pour mieux dire contre l’essence même de toute religion.

Avant d’entrer au fond du livre, qu’on nous permette quelques mots sur la forme. Ce n’est pas du style que nous voulons parler. On n’apprend plus rien à personne en disant aujourd’hui que, depuis qu’il en a le temps et qu’il en prend la peine, M. Guizot écrit aussi bien qu’il parlait. Si donc dans ces Méditations il porte à un degré nouveau, plus haut peut-être que dans ses Mémoires mêmes, l’art de vêtir sa pensée d’un langage excellent, savamment travaillé, sans efforts ni recherches, vrai de couleur, sobre d’effets, toujours clair et jamais banal, toujours ferme et souvent énergique, il n’y a rien là d’extraordinaire, rien qui ne soit conforme à cette loi de progrès continu qui depuis bien des années déjà semble régir sa plume. Quelque chose de plus neuf, de plus particulier nous apparaît ici. Le livre au fond est une controverse, mais une controverse d’un genre absolument nouveau ; c’est de la polémique plus que courtoise, de la polémique impersonnelle. Assurément l’auteur s’est montré de tout temps plein d’égards pour ses contradicteurs ; il a