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et libre, demandez-vous d’où vous tenez ces admirables dons, la liberté, l’intelligence ! Vous viennent-ils de vous-même ? Est-ce en vous qu’ils sont nés, et seulement pour vous ? Les possédez-vous tout entiers ? Ne proviennent-ils pas d’une source plus haute, plus abondante et plus parfaite, de la source suprême, de Dieu même en un mot ? Or si Dieu, si la toute-puissance est à la fois l’intelligence souveraine et la souveraine liberté, comment oser lui interdire de se mêler des choses d’ici-bas, de suivre du regard les êtres qu’il a créés, de veiller à leurs destinées, et au besoin de leur manifester par quelque coup d’éclat ses solennelles volontés ? Il le peut à coup sûr, puisqu’il est libre et tout-puissant. L’idée de Dieu ainsi conçue, l’idée du Dieu complet, du Dieu vivant, la question se transforme : ce qui devient inadmissible, ce n’est plus d’établir la possibilité des miracles, c’est d’en prouver l’impossibilité.

Aussi nos grands critiques d’aujourd’hui, ceux-là du moins qui sont vraiment habiles, n’ont garde de tenter cette démonstration. Ils attaquent autrement les faits surnaturels, non pas comme impossibles, comme insuffisamment prouvés ; au lieu de les nier, ils tentent d’infirmer l’autorité de ceux qui les attestent. Quels témoins leur faudrait-il donc ? Notez qu’en matière d’histoire, lorsqu’il s’agit de faits réputés naturels, même de faits extraordinaires et plus ou moins douteux, la preuve testimoniale, la tradition leur paraît suffisante, et en effet, dans la plupart des cas, que deviendrait l’histoire, si cette sorte de preuve n’était pas admissible ? Mais pour les faits surnaturels ils sont bien moins accommodans. Il leur faut d’autres garanties. C’est la preuve authentique, en bonne forme, dûment libellée qu’ils déclarent exigible : sans quoi point de croyance. Ils n’offrent de se rendre qu’à cette condition. D’où il suit que la Divinité, chaque fois qu’elle se proposerait de porter quelque atteinte aux lois de la nature, serait tenue d’en notifier avis à ses contradicteurs. Ceux-ci produiraient leurs témoins ; l’opération serait faite en leur présence, et le miracle consommé, on dresserait procès-verbal. — Vous croyez que nous voulons rire, ou tout au moins que nous exagérons : nous ne sommes qu’un écho fidèle, et nous pourrions citer la page où ce système est exposé comme unique moyen de remettre en crédit les miracles. N’insistons pas : cette façon d’exiger des preuves impossibles, de se déclarer prêt à croire tout en mettant à sa croyance de chimériques conditions, est-ce autre chose qu’un subterfuge, un moyen d’éluder ce qu’on n’ose pas résoudre, et de détruire par la pratique ce qu’en principe on semble concéder ?

Quant à ceux qui, plus francs, moins diplomates, peut-être aussi moins avisés, nomment les choses par leur nom, et proclament hautement comme un dogme nouveau, comme le grand principe de