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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/731

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témoignage qu’à un point de vue négatif, comme strictement conforme à la discipline, et non point parce qu’elle tendrait ouvertement au bien par des actes désintéressés, et, s’il se pouvait, par le sacrifice ? Cependant ce serait bien là, en fait d’amendement, la véritable pierre de touche. Or poser ainsi la question, c’est la résoudre.

Voici en effet que l’on offre à des condamnés la perspective d’une libération anticipée avec pécule à leur sortie : il va de soi que cette prime, comme on l’appelle, ne peut que leur plaire beaucoup et les attirer fortement. Néanmoins l’idée de leur amendement moral s’est-elle offerte en ce moment à leur esprit, ou l’a-t-elle seulement effleuré ? Aucunement. Cette idée en effet ne peut être elle-même, et le système le suppose, que la conséquence d’une réforme déjà accomplie, ou tout au moins d’un commencement de réforme. Si donc les condamnés optent alors, et le plus souvent sans hésiter, pour ce qu’on appelle la bonne conduite, ce sera tout simplement sous l’impulsion d’un calcul d’utilité propre et directe très avidement saisi, surtout par les plus intelligens et les plus énergiques. C’est l’évidence même. Il n’est pas moins hors de doute qu’une fois ainsi engagés, ils soutiendront jusqu’au bout la gageure avec une invariable persistance. Le calcul n’est bon qu’à cette condition ; ils le savent bien, ils savent bien aussi qu’il réussira d’autant mieux qu’il sera couvert par des formes plus habilement et plus ingénieusement hypocrites. C’est là désormais leur unique préoccupation. C’est assez dire que les impulsions de repentir et de retour au bien dont on parle tant auraient alors grand’peine à se faire jour dans des esprits naturellement fermés à tout ce qui tendrait à les éloigner de ce premier sentiment d’égoïsme exclusif et jaloux. Ne peut-on pas d’ailleurs se demander à un autre point de vue comment et à quel propos, sous la double contrainte de la séquestration et de la discipline, ces impulsions pourraient agir et de déployer ? On ne voit vraiment pas quel en serait l’objet : c’est qu’en effet il ne faut rien moins que la pleine et entière liberté de bien ou de mal faire, et c’est là le plus grand honneur de l’humanité, pour imprimer à nos actions le sceau d’une moralité pure et vraie. Or où serait ici cette liberté ?

Si donc, et je me résume ainsi, on se bornait à dire que, sous l’influence de la promesse de la liberté préparatoire et du pécule de sortie, il est probable qu’un plus grand nombre de condamnés se distingueront à l’avenir dans nos maisons de détention par des habitudes d’ordre et de régularité, rien de mieux. Je serais très disposé à l’admettre pour les plus habiles et les plus avisés, je pourrais même dire que ceci est vieux comme le monde, et il n’est pas un seul des directeurs entendus dans les enquêtes ouverte, de-