talité à tous les grands hommes ni célébrer tous les genres de mérite : il a voulu seulement proclamer, en même temps que la gloire incomparable d’Homère, l’autorité des enseignemens que celui-ci a laissés au monde et l’influence que, depuis près de trois mille ans, ces leçons n’ont cessé d’exercer ; il a voulu, en groupant autour du poète grec par excellence les écrivains, les artistes de tous les âges que les souvenirs de la Grèce ont le plus habituellement inspirés, indiquer à sa source le flot de ces traditions qui depuis tant de siècles portent la fécondité avec elles, et qui seules, à ses yeux, peuvent épancher encore dans le domaine de l’art la vie et le progrès.
Le dessin de M. Ingres est donc, à vrai dire, un manifeste en l’honneur de l’art antique et de ceux qui en ont été les fidèles sectateurs ; c’est, aussi bien qu’un hommage à des talens d’élite, l’affirmation formelle d’une doctrine et un acte de foi. Il convient de l’accepter comme tel, sans demander compte au maître de certains choix trop indulgens que lui auront dictés ses prédilections personnelles, ni de quelques évictions sévères peut-être jusqu’à la rigueur. Parmi celles-ci pourtant, il en est une à laquelle il semble bien difficile de se résigner et plus difficile encore de souscrire : dans cette assemblée des plus pieux disciples de l’art antique, André Chénier ne figure pas. Qu’elle soit, ainsi qu’il faut le croire, le résultat d’un oubli, l’absence en pareil lieu d’un pareil homme n’en a pas moins de quoi nous étonner, et, sans parler des titres qui recommandaient en général une aussi noble mémoire, comment s’expliquer que le chantre du Jeune malade ait pu échapper au souvenir du peintre de Stratonice ?
Quant à l’exécution matérielle, — si tant est que le mot soit applicable à des formes d’expression sous lesquelles percent partout un sentiment exquis du beau, un amour passionné du vrai, mais du vrai dans son acception la plus haute, — quant au rôle du dessin proprement dit, du modelé, de la physionomie extérieure des choses dans cette œuvre si fortement pensée et moralement si éloquente, il faudrait, pour en signaler les mérites, analyser chaque figure, s’arrêter à chacun des détails qui précisent l’âge ou le tempérament d’un homme, les habitudes d’un corps ou les caractères d’un vêtement, les mœurs et jusqu’aux modes d’une époque. Quel art varié en raison des différens types qu’il s’agissait de reproduire ! quelle souplesse de style dans l’interprétation des apparences les plus contraires ! En même temps quelle habileté à faire tourner ces élémens en désaccord au profit de l’harmonie générale ! Un autre que le peintre qui avait su jadis rapprocher sans invraisemblance les draperies épiques d’une muse des habits bourgeois de Cherubini, un autre aurait-il trouvé le secret de contenter le regard et de persuader l’esprit en réunissant dans le même cadre, en représentant côte à côte, avec leurs allures ou leurs costumes disparates, les habitués des portiques d’Athènes et les hôtes du palais de Versailles, les amis de Mécène et les néo-platoniciens amis de