Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/884

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du golfe d’Ambracie ; l’autre se termine à l’entrée du golfe de Corinthe et se perd insensiblement dans la mer par une succession de grandes lagunes qui côtoient le rivage jusqu’à Missolonghi. Le Xéroméros, pays sec[1], doit son nom à la nature toute particulière du sol dont il est formé. Ce soi n’est point une terre argileuse et grasse comme celle du Valtos, c’est une sorte de terrain calcaire, blanchâtre, semblable à une roche friable et spongieuse. Il ne retient pas l’eau, et le Xéroméros est privé de sources et de rivières. Les eaux du ciel et celles des torrens qui descendent de la Haute-Acarnanie sont absorbées aussitôt par cette terre poreuse, et forment, à une profondeur peu considérable, des nappes d’eau souterraines qui renvoient à la surface extérieure une humidité suffisante pour entretenir la végétation. Ces nappes d’eau se réunissent en trois lacs principaux au pied de la chaîne du Valtos ; le lac d’Ambracie, très rapproché du golfe de ce nom, est le plus considérable ; viennent ensuite, en descendant au midi et à des niveaux inférieurs, le grand Ozéros ou lac Rios et le petit Ozéros. Ce dernier est situé sur les bords de l’Acheloüs, qui se jette un peu plus bas dans le golfe de Corinthe. Ces trois lacs communiquent entre eux par des voies souterraines et se déversent les uns dans les autres ; le petit Ozéros, qui reçoit le tribut des deux lacs supérieurs, écoule ses eaux constamment et par de nombreux courans dans le fleuve Acheloüs. Les collines du Xéroméros portent quelques vignes d’excellente nature ; dans les plaines, près des villes et des villages, on remarque çà et là de beaux champs de blé, témoignages de la puissance productive de cette terre, premiers avant-coureurs d’un état plus prospère et d’une civilisation plus avancée.

Il existe entre les habitans du Xéroméros et ceux du Valtos les mêmes analogies et les mêmes dissemblances qu’entre les guerriers du Haut-Magne et les brigands du Kakovouni. Les hommes du Valtos et ceux du Xéroméros sont les mêmes au fond. Seulement les Xéromérites, animés à toutes les époques de leur histoire d’un violent amour de la liberté, montrent des traits d’une beauté moins farouche. Leurs familles, plus étroitement unies que celles du Valtos, ont formé des villages plus considérables, des agglomérations plus compactes. Les Xéromérites sont donc sur la pente de la civilisation ; ils ont fait un pas au-devant d’elle, et, pour se jeter complètement entre ses bras, ils n’attendent qu’une impulsion, des exemples, des encouragemens, qu’ils trouveront à coup sûr dans l’exécution des grandes entreprises dont leur pays ne tardera pas à être le théâtre.

  1. De ξηός, sec, et μέρος, portion, contrée.