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intéressans détails que nous donne cet ouvrage sur les débats intérieurs de l’église de Rome au commencement du IIIe siècle, aux réflexions enfin qu’il suggère sur l’état des croyances chrétiennes à cette époque, encore si mal connue naguère, mais que l’érudition contemporaine éclaire désormais d’un jour, sinon complet, du moins suffisant pour avancer en toute sécurité.

C’est à M. E. Miller, de l’Institut de France, que l’Europe savante est redevable de la première publication du livre d’Hippolyte. Parmi les manuscrits grecs achetés au Mont-Athos en 1842, par ordre de M. Villemain, et déposés à la Bibliothèque royale, il s’en trouvait un, intitulé De toutes les hérésies, sans date et sans nom d’auteur. Cette anonymité, le mauvais état du texte, le préjugé inspiré par un titre qui est celui de nombreuses et misérables compilations, le peu d’ancienneté du manuscrit, qui ne doit guère remonter plus haut que le XIVe siècle, tout cela fit qu’on le laissa pendant assez longtemps aussi tranquille dans sa case parisienne qu’il l’avait été depuis des siècles dans le trésor du couvent grec d’où l’on venait de le tirer. Cependant, vers 1845, les yeux exercés de M. Miller furent frappés, en le parcourant comme par hasard, de certains mérites qui ne permettaient plus de le traiter en condamné à l’obscurité perpétuelle. Il y avait dans ce texte des fragmens de Pindare, de poètes grecs inconnus, de philosophes dont nous ne possédons rien ou presque rien. Cela seul suffisait pour affriander un fin connaisseur ; l’examen fut poursuivi, et le résultat fut qu’on avait entre les mains un document de première valeur pour l’histoire de l’église et du dogme chrétien au commencement du IIIe siècle. Il est à regretter qu’une prompte publication faite en France même n’ait pas assuré à notre pays l’honneur sans partage de la résurrection d’un pareil monument de l’antiquité chrétienne ; mais, pour des motifs qu’il est malaisé de discuter, il fallut attendre jusqu’en 1851 et s’adresser à l’étranger pour trouver un éditeur. C’est l’université d’Oxford qui reçut ce beau cadeau des mains de M. Miller. Déjà on s’était aperçu que l’ouvrage retrouvé était la continuation d’un livre inachevé ordinairement rangé parmi les œuvres d’Origène et connu sous le nom de Philosophoumena. M. Miller, qui avait remarqué cette connexion avec beaucoup de sagacité, crut que le tout devait être attribué au fameux théologien d’Alexandrie, et donna à son édition d’Oxford le titre de Philosophoumena d’Origène. On peut le dire en toute assurance aujourd’hui, ce titre reposait sur une erreur, du reste fort excusable chez un savant qui n’a pas fait son étude spéciale de l’histoire des dogmes. Le vrai titre à donner à l’ouvrage est celui de Réfutation de toutes les hérésies. Il est surprenant qu’à Oxford même on n’ait pas immédiatement réclamé contre le titre erroné ; mais ne soyons