ou plusieurs inconnues, et cela même serait déjà un fait important à constater. Quoi qu’il en soit, rien n’est plus intéressant pour la philosophie que de rechercher où la science a pu arriver dans cette voie si nouvelle, si obscure, si délicate. On lui a si souvent reproché de se renfermer en elle-même, de ne point prendre part aux travaux qui se font à côté d’elle et qui touchent de si près à ses études, qu’on voudra bien lui permettre, malgré son incompétence anatomique, de recueillir dans les écrits des maîtres les plus autorisés tout ce qui peut l’intéresser, et intéresser les esprits cultivés dans ce genre de recherches.
Les physiologistes positifs ont l’habitude de reprocher aux philosophes de ne pas aborder ces questions avec assez d’impartialité : ils leur reprochent de partir de certaines idées préconçues, de certaines hypothèses métaphysiques, et, au nom de ces hypothèses, d’opposer une sorte de fin de non-recevoir à toutes les recherches expérimentales sur les conditions physiologiques de la pensée. On leur reproche d’être toujours disposés à altérer les faits, à les plier à leurs désirs ou à leurs craintes, de taire ceux-ci, d’exagérer ceux-là, afin que leur dogme favori, à savoir l’existence de l’âme, sorte triomphant de l’épreuve que lui font subir l’anatomie et la physiologie. Je n’examine pas si ces reproches sont fondés ; mais, en supposant qu’ils le fussent, on pourrait facilement renvoyer l’objection à ceux qui la font, car il leur arrive souvent à eux-mêmes, en vertu d’un préjugé contraire, de tomber dans l’erreur inverse : ils sont autant prévenus contre l’existence de l’âme que les autres en faveur de cette existence ; ils arrangent aussi les choses pour les accommoder à leur hypothèse favorite, et si quelqu’un fait par hasard allusion à quelque être métaphysique distinct des organes, ils l’arrêtent aussitôt en lui disant que cela n’est pas scientifique. Mais quoi ! s’il y a une âme, rien n’est plus scientifique que de dire qu’il y en a une ; rien n’est moins scientifique que de dire qu’il n’y en a pas. Je veux bien que dans l’examen des faits on ne suppose rien d’avance ; mais la condition doit être égale de part et d’autre. Celui qui ne croit qu’à la matière ne doit pas s’attribuer à lui-même le monopole de la vérité scientifique et renvoyer au pays des chimères celui qui croit à l’esprit. On peut nous demander de suspendre notre jugement ; mais cette suspension ne doit être un avantage pour personne, et l’on ne doit point profiter d’un armistice pour prendre pied dans un pays disputé.
Telles sont les règles de bonne méthode et de sérieuse impartialité qui nous guideront dans ces recherches sur le cerveau et la pensée, où nous essaierons de faire connaître les travaux les plus récens et les plus, autorisés qui traitent de ce grand sujet. Je n’ai