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Grenade, tenaient pour lui, et il comptait des complices jusque dans les Pyrénées, à Orthez. Bayonne même se révolta, et il fallut y envoyer des forces. Il y avait dans le pays une source d’eau salée ; l’intendant proposa de la détruire pour ôter ainsi tout espoir aux populations de ne plus payer l’impôt du sel. Dans la prévision que l’Espagne pourrait un jour ou l’autre servir de refuge à Audijos, on supplia, mais en vain, sa majesté catholique de donner des ordres pour le faire arrêter. Au mois d’avril 1665, le champ de la rébellion s’étendit encore. Dans son inquiétude, l’intendant demanda l’autorisation d’envoyer aux galères par la première chaîne, sans aucune forme ni figure de procès, ceux qui seraient pris avec un fusil. Cependant Audijos battait toujours la campagne. Une fois il avait failli être pris. Cerné dans une maison en plaine, il s’échappa au milieu de la nuit avec dix des siens en faisant une trouée dans la compagnie qui l’assiégeait. Un de ses camarades fut tué ; trois autres faits prisonniers et pendus témoignaient de l’acharnement de la lutte. Des lettres interceptées sur ces entrefaites attestèrent la sympathie que les rebelles trouvaient dans les provinces voisines, notamment en Guienne. De Paris même, on les encourageait à persister. Serré de trop près, Audijos passait en Espagne, y bravait les dragons, et reparaissait sur un autre point. Une tentative d’enlèvement sur le territoire espagnol ayant échoué, l’intendant prétendit que les Espagnols auraient bien tort de se plaindre, car nous n’avions fait que paroître sur la frontière ; il les trouvait cent fois plus blâmables de donner asile au rebelle. Las de voir ses efforts infructueux, il s’était décidé à offrir 12,000 livres à celui qui livrerait Audijos ; on lui demandait 12,000 écus, et on ne le livra pas. Au mois de septembre 1665, ce même bourg d’Hagetmau, où la sédition avait commencé, vit pendre cinq nouveaux complices du chef de bande, Peu à peu cependant tous ces exemples de sévérité avaient fini par porter conseil, et, la lassitude s’en mêlant, le calme était à peu près revenu dans le pays. Vers la fin de l’année, les bureaux établis sur tous les points fonctionnaient sans difficulté, les amendes prononcées contre les paroisses, longtemps récalcitrantes, rentraient dans les caisses ; presque tous les compagnons d’Audijos s’étaient rendus et avaient été graciés, à l’exception des inculpés de meurtres, Le gouvernement était enfin maître du terrain. Malgré tout, Audijos ne quittait pas le pays, et la terreur de son nom était telle qu(il fallait pour lui seul maintenir des garnisons dans la plupart ; des paroisses. « Quelques gens m’ont dit, écrivait l’intendant à Colbert (23 décembre), qu’il vouloit quitter sa vie et demandoit grâce ; je leur ai fait répondre que le seul moyen seroit de se remettre à la miséricorde du roi. Je n’ai point de réponse ; mais s’il acceptoit ce parti, ce que j’ai de la peine à croire, l’on en feroit ce