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des partisans, et pour l’amour de Dieu, de vous et de nous, vivons et mourons en paix. »

Le quartier Saint-Michel sut bientôt à quoi s’en tenir sur les dispositions de l’intendant. Malgré le désir de repos que semblait indiquer la lettre anonyme, de nouveaux troubles accueillirent le rétablissement du papier timbré ; mais depuis le mois de mars la cour avait pris ses précautions. On tira sur les mutins, et quelques hommes furent tués. C’était désormais au quartier Saint-Michel à demander grâce, et c’est ce qu’il fit, le curé en tête. L’autorité répondit par des arrestations et des supplices. Le 21 août, le maréchal d’Albret mandait à Colbert : « Hier on commença d’en pendre deux dans la placet Saint-Michel, et aujourd’hui on continuera ainsi que le reste de la semaine, de donner au public tous ces exemples de sévérité. » Néanmoins l’intendant écrivait le lendemain, que la crainte de la potence n’avait pas déraciné l’esprit de révolte, et que la plupart des bourgeois n’étaient guère mieux disposés. En effet, neuf jours plus, tard (tant l’exaspération était grande), un nouveau soulèvement éclatait aux portes de Bordeaux, à La Bastide, où l’un des meneurs fut fait prisonnier, condamné à la roue et exécuté. Grâce à ces exemples multipliés, le calme revint peu à peu. A partir du mois de septembre 1675, la correspondance de Colbert ne mentionne plus de révolte en Guienne. Successivement rétablis, les droits dont le parlement de Bordeaux avait précédemment exempté la ville furent dès lors perçus sans opposition[1]. Là encore une province nouvelle était conquise à l’unité de l’impôt ; mais on vient de voir à quel prix.

Au moment même où l’intendant de Bordeaux déplorait le contre-coup des événemens de Rennes, le gouverneur de la Bretagne, (c’était alors le duc de Chaulnes) écrivait de Paris à Colbert, que, malgré le soulèvement de la Guienne, tout était encore tranquille dans sa province mais que les nouveaux édits et surtout la manière dont ils étaient exécutés indisposaient les populations. La plupart des villes, maintenues jusqu’alors à force de promesses, le, pressaient, ajoutait-il, d’appuyer leurs doléances et de faire cause commune avec le premier président. Quant à lui, craignant qu’il ne fut bientôt plus possible de contenir le peuple, il était d’avis d’ordonner secrètement aux fermiers de suspendre les édits.

La province de Bretagne se trouvait, il faut l’avouer, vis-à-vis du pouvoir royal, surtout en matière d’impôt, dans des conditions particulières. Lors de sa réunion à la France, nulle contribution ne pouvait y être établie, sans le consentement des états. François Ier

  1. Bibliothèque impériale, Mss, lettres adressées à Colbert.