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de cette cause. Nous avons surtout remarqué parmi ces dernières adhésions la discussion nette, énergique, de M. Jules Ferry. Il est impossible que le public ne soit point frappé d’une manifestation de cette importance, et que l’exemple des conciliations opérées ainsi par les vues droites et les sentimens dignes ne porte point d’heureux fruits dans la conscience du pays.

Au surplus, tout se réunit pour mettre à l’ordre du jour la question de la décentralisation. La marche des esprits se rencontre en ce point avec les essais mêmes tentés par le pouvoir pour écarter quelques-uns des abus matériels de la centralisation excessive. On se souvient que le gouvernement avait, dans la dernière session, présenté au corps législatif un projet de loi sur les conseils-généraux. On n’a pas eu le temps de voter ce projet cette année-ci ; on le discutera infailliblement l’année prochaine. En attendant, les conseils-généraux vont se réunir dans peu de jours, et il semblerait opportun que ces conseils fissent entendre des observations raisonnées sur une mesure qui les touche de si près. M. de Montalivet a compris cette opportunité et n’a point hésité à soumettre aux conseils-généraux, sous la forme d’une Note à consulter, les réflexions qu’une étude très attentive du projet de loi lui a inspirées. C’est avec une grande autorité que M. de Montalivet s’adresse aux représentans de nos départemens, et la question particulière sur laquelle il appelle leur attention est fort sérieuse. M. de Montalivet n’est pas seulement le fils d’un ministre de l’Intérieur du premier empire qui attacha son nom à de nombreuses améliorations administratives ; il a été l’un des plus remarquables ministres de l’intérieur d’un régime libre, et c’est lui qui a proposé et promulgué la loi organique de 1838, qui régit les conseils-généraux, et dont tout le monde s’est accordé à reconnaître les bons résultats. Le fait que M. de Montalivet a tenu à mettre en lumière est une conséquence financière du projet de loi présenté au corps législatif qui n’a jusqu’à présent été relevée par personne, une question financière relative au budget départemental. Il y aurait de quoi prendre la fuite, si un autre que M. de Montalivet faisait mine de nous vouloir guider dans ce labyrinthe. N’avez-vous pas remarqué qu’une des armes les plus efficaces par lesquelles les bureaucraties défendent leurs despotiques routines, c’est la langue spéciale, l’argot particulier qu’elles inventent pour traiter de leurs affaires ? Avant de discuter avec elles, et si l’on veut saisir les conséquences de leurs actes, il faut apprendre leur vocabulaire, et elles ont bien soin de vous rebuter, dans cette étude, en rendant ce vocabulaire aussi aride, aussi fastidieux que possible. Elles se défendent avant tout contre la critique par l’immense ennui que leur technologie narcotique vous inspire. Si vous voulez par exemple vous engager dans la discussion des budgets départementaux, il faut vous jeter à corps perdu dans les catégories de ces centimes ordinaires, spéciaux » extraordinaires, etc., moins pittoresques encore que les vieux sous pour livres de notre ancien