vue, que le dernier concours littéraire n’égale pas les plus brillans de ceux qui l’ont précédé ; il n’a pas l’éclat de celui où le talent de M. Taine se révélait, il y a quelques années, par l’Essai sur Tite-Live. Ce n’est pas que nous pensions à rabaisser les œuvres de mérite que les préférences de l’Académie sont allées rechercher ; mais l’ensemble manque évidemment de relief, et ce ne sera pas encore ce concours, je le crains, qui marquera l’ère nouvelle de notre littérature. Il y a longtemps déjà que M. Villemain, le modèle des secrétaires perpétuels, se joue dans cette tâche de rapporteur des prix académiques, qu’il remplissait une fois de plus l’autre jour. C’est son domaine privilégié, et il y marche d’un pas sûr, d’un esprit toujours ferme. Autrefois, à l’époque de ses retentissantes leçons, M. Villemain rassemblait autour de sa chaire toute une jeunesse studieuse et enthousiaste ; aujourd’hui il ne fait plus qu’une leçon par année, devant un auditoire choisi : c’est son rapport sur les ouvrages que couronne l’Académie, et l’ensemble de ces rapports, qui se succèdent depuis trente ans, formerait assurément tout un cours de littérature contemporaine, un cours aussi varié qu’élégant, semé de jugemens fins, de traits expressifs, d’aperçus ingénieux. Ce serait toute notre littérature ou du moins toute une partie de notre littérature vue de l’Académie par un esprit supérieur qui regarde au-delà de l’enceinte de l’Institut.
C’est là le charme sérieux des rapports de M. Villemain. Dans ce vieux cadre du discours académique rajeuni par sa parole, il a fait entrer tous les sujets, il les marque au passage d’un trait lumineux et rapide. Ce n’est plus seulement un rapporteur, c’est un critique animé qui juge, résume, rectifie, coordonne les vues les plus diverses, et fait à son tour œuvre d’art en jugeant les autres. Ainsi il apparaissait l’autre jour encore, partageant avec M. Sainte-Beuve et aussi avec M. Saint-Marc Girardin, qui a lu un fragment sur l’apologue, l’honneur de cette séance, appliquant à tout à la littérature et à l’histoire, une égale justesse de parole et relevant les banalités trop ordinaires des éloges académiques par la finesse des remarques, quelquefois par une pointe de critique élégamment mordante. Je n’ai pas besoin d’énumérer tous les livres passés en revue et spirituellement caractérisés par M. Villemain : Ils sont couronnés, ils suivront leur fortune, que ne changera guère une récompense académique. Cette année, c’est une Histoire de France de M. Trognon qui a obtenu le prix réservé au meilleur, au plus éloquent morceau historique, et c’est aussi à un travail d’histoire des plus intéressans, des plus patriotiques, le livre de M. Lavallée sur les Limites de la France, qu’est échu le second prix de cet ordre. Quant aux autres, j’ai toujours admiré ce qu’un programme pouvait avoir d’élasticité et quelle variété de travaux on peut faire entrer dans ce cadre des ouvrages les plus utiles aux mœurs. Histoire, littérature, philosophie, critique, contes à lire en famille, tout y passe, tout petit servir à l’amélioration des mœurs sans doute ; il ne s’agit que de mettre un certain esprit d’accommodement dans l’interprétation, et après tout la