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y a paru digne d’intérêt, c’est ce qui lui donne un caractère italien, et c’est ce que remarquent à peine, sans aucun doute, les compatriotes de l’auteur. Pour nous, ce mérite pique notre curiosité : c’est pourquoi nous nous arrêterons un instant au drame réaliste de M. Oliari.

Le véritable italien de la pièce, ce n’est ni Zita la victime, ni même Rogiero le séducteur : c’est Folco, grand et fort gaillard que la mère de Zita recueillit jadis par charité, et à qui, en mourant, elle a révélé le secret de sa naissance. Ce secret, à vrai dire, n’en est un que pour Zita : c’est le secret de la comédie ; quiconque se prend de querelle avec Folco lui reproche sa bâtardise. Lui-même s’en déclare malheureux plus que de raison ; il a d’amères et sombres paroles, comme si la société moderne, qu’il méconnaît, faisait aux âmes honnêtes, aux volontés fortes, un obstacle insurmontable de l’inconduite de leurs parens. Quel goût de la déclamation ne faut-il pas porter en soi pour se dire seul sur la terre, sans affections, sans souvenirs de famille, sans espérances, quand on a été élevé comme un fils par une brave paysanne, quand on a une sœur, une prétendue sœur dont on rêve de faire sa femme, quand on a pu, dans une si humble condition, être l’ami d’enfance, c’est-à-dire sans doute le compagnon de jeux du jeune Rogiero, le seigneur qui habite le château voisin ! Cet étrange personnage n’est-il pas déjà bien Italien ? Mais comme il nous le paraîtra davantage quand nous le verrons permettre que Zita travaille de ses doigts pour vivre tandis qu’il préfère pour sa part mendier sur les ponts ! Capable d’ailleurs de s’élever autant que de s’avilir, apprend-il que Zita aime Rogiero, au lieu de tuer celui-ci, ce qui sentirait assez le terroir, il sacrifie avec magnanimité ses espérances personnelles à la condition que cette idylle aboutira à un mariage ; mais le mariage traîne en longueur, et, se voyant odieux aux deux amans pour les avoir pressés d’en finir, Folco poignarde son rival, s’enfuit par la fenêtre en recommandant son âme à Jésus, et va se faire brigand.

Moins complets peut-être, les deux autres personnages ont pourtant encore leur saveur locale. A peine Zita a-t-elle reçu les déclarations de Rogiero, alors même qu’elle se défend encore, elle cesse de lui dire lei et vossignoria, ces formes de la civilité et de la déférence en Italie ; elle l’appelle par son nom et bientôt le tutoie, quoiqu’elle sache et proclame l’infinie distance qui la sépare de lui. Cela ne l’empêche pas, il est vrai, d’implorer du ciel l’envoi d’un couteau pour frapper l’audacieux ; Rogiero tire aussitôt le sien de sa poche et l’offre à sa maîtresse irritée, car il sait bien l’usage qu’elle en fera. Elle en effet, par un mouvement assez dramatique, le jette aussitôt en demandant pardon à sa mère de n’avoir pas le courage de frapper. Bientôt, comptant follement sur le mariage promis, ne consent-elle pas à venir habiter, ainsi que son frère, sous le toit de Rogiero et a accepter les bienfaits du séducteur ? Il n’y a pas sans doute de moyen plus assuré et plus naïf de courir au-devant de la défaite. Nous croyons qu’une Parisienne saurait se livrer moins pour mieux préparer le