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espèces d’ampoules se redressent peu à peu sur le courant figé des laves, puis s’entr’ouvrent doucement ou crèvent avec fracas en donnant passage à la masse liquide qui les a soulevées. D’abondantes fumerolles composées de différens gaz, suivant la chaleur des laves qui leur donnent naissance, jaillissent de toutes les issues ; même sur les rives du fleuve de pierre, le sol est en maints endroits tout brûlant et percé de lézardes à travers lesquelles s’échappe un air chaud tout chargé de la senteur des racines torréfiées. De grands troncs d’arbres, sciés par la lave alors que celle-ci était déjà recouverte de scories, sont étendus en désordre sur le lit inégal de la coulée, et bien qu’ils ne soient séparés de la matière en fusion que par une croûte de quelques centimètres à peine, la plupart d’entre eux sont encore revêtus de leur écorce ; plusieurs même ont gardé tout leur branchage. Bien plus, un grand nombre de pins, isolés ou par groupes, sont environnés d’un mur de laves entassées, et leur feuillage est resté verdoyant : on ne peut encore savoir si les sources de la sève ont été taries dans leurs racines. En certains endroits, il semblerait que la lave s’est arrêtée devant les arbres sans pouvoir triompher de la résistance mystérieuse que lui aurait offerte la couche d’humidité vaporisée autour des troncs. Çà et là des rangées de pins, très rapprochés ont suffi pour changer la direction d’une coulée et pour la faire dévier latéralement. Non loin des cratères d’éruption, sur la rive occidentale de la grande cheire, on peut même voir un tronc d’arbre qui, à lui seul, a pu retenir un bras du fleuve de lave et l’empêcher de remplir un vallon ouvert immédiatement au-dessous. Cet arbre, renversé par le poids des scories, est tombé de manière à barrer une petite dépression présentant un lit naturel aux matières fondues. Celles-ci ont fait ployer et craquer le tronc, mais elles ne l’ont pas brisé, et le torrent de pierre reste suspendu, pour ainsi dire, au-dessus de belles pentes boisées qu’il menaçait de ruiner complètement.

Bien que la masse de lave expulsée du sol entr’ouvert soit fixée presque en entier et ne manifeste plus son travail intérieur que par de faibles mouvemens des scories, les cônes d’éruption qui se sont formés au-dessus de la source des matières incandescentes, sur la ligne de fracture du volcan, sont encore en pleine activité, et ne semblent pas devoir se calmer de sitôt. La fissure qui s’ouvrit pendant la nuit du 30 janvier sur le flanc de la montagne, et que l’on suit facilement du regard jusqu’aux deux tiers environ de la hauteur du Monte-Frumento, dans la direction du cratère terminal de l’Etna, semble n’avoir vomi de laves que pendant un petit nombre d’heures ; bientôt obstrué par les neiges et les débris des pentes voisines, elle cessa d’être en communication avec l’intérieur de la