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croissant dans une proportion beaucoup plus rapide que la température, il est probable que déjà vers 15,000 mètres de profondeur les fissures de la terre sont remplies de vapeur d’eau à la température de 4 à 500 degrés. Ces masses gazeuses ont une tension suffisante pour soulever une colonne d’eau du poids de 1,500 atmosphères ; toutefois si, par une cause quelconque, elles ne peuvent s’échapper aussi vite qu’elles se sont formées, leur pression s’exerce dans tous les sens et finit par se transmettre de crevasse en crevasse jusque sur les roches en fusion qui se trouvent dans les profondeurs. C’est à cette pression sans cesse accrue qu’il faut attribuer l’ascension des laves dans les soupiraux des volcans, les tremblemens du sol, la fusion et la rupture de l’enveloppe terrestre, et finalement l’éruption violente des fluides emprisonnés.

M. Sartorius de Waltershausen, l’éminent géologue qui pendant six années de sa vie a étudié l’Etna avec une si louable persévérance, a eu l’ingénieuse idée de déterminer la provenance des laves par leur densité. Les roches de la surface terrestre, calcaire, granit, quartz ou mica, ayant un poids spécifique deux fois et demie supérieur à celui de l’eau, tandis que la planète elle-même, prise dans son ensemble, pèse à peu près cinq fois et demie plus que ne pèserait une même masse d’eau distillée, il en résulte que la densité des couches intérieures s’accroît de la circonférence au centre suivant une certaine proportion établie par le calcul. Or M. de Waltershausen a reconnu, au moyen d’un grand nombre de pesées rigoureuses, que les laves de l’Etna ont un poids spécifique de 2,911, qui est également, par une coïncidence singulière, le poids des laves de l’Islande. La conséquence probable que le calcul peut déduire de ce fait, c’est que les roches rejetées par les volcans de Sicile et d’Islande proviennent d’une profondeur de 124 à 125,000 mètres. Ainsi le puits qui s’ouvre au fond du cratère de l’Etna n’aurait pas moins de 124 kilomètres, et la lave qui bout dans cet abîme serait soulevée par une force de 36,000 atmosphères, tout à fait incompréhensible pour notre faible imagination.

Quoi qu’il en soit de ces évaluations du géologue allemand, d’autres savans reprendront sans doute la même série d’études, et finiront par résoudre d’une manière indubitable les divers problèmes qui se rattachent à l’origine des laves. Afin de faciliter ces recherches, il serait très important d’établir sur les pentes de l’Etna un observatoire semblable à celui qui existe sur le Vésuve, et quia déjà rendu tant de services à la science de la vulcanologie. M. Giuseppe Gemellaro, de Nicolosi, désireux de travailler dès maintenant à l’inauguration partielle de cette œuvre si utile, propose d’installer dans la maison des Anglais, à près de 3,000 mètres au-dessus du