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entre la liberté de nos écoles de droit et l’internat de nos lycées. Tous les étudians sont soumis à la surveillance du chef du collège, tous sont astreints à rentrer le soir à une heure déterminée et à porter au dehors la robe universitaire. Des peines sont attachées aux infractions : l’expulsion, l’exclusion temporaire, les supplémens de tâches scolaires. Dans tout cela, point de traitement de faveur, du moins ostensible ; c’est la part faite à l’égalité. Les inégalités commencent sous la forme qui, dans nos mœurs, serait la plus blessante. Dans l’intérieur, point ou peu de mélange ; chacun fraie avec les siens ou ne déroge qu’en marquant les nuances. Le logement varie suivant le rang ou la fortune. Dans les réfectoires, les fils aînés de lords siègent sur une estrade ; il y a aussi dans les classes des bancs réservés pour eux ; ils sont par privilège dispensés du stage qui précède les examens. Autant que le régime commun le permettait, on a voulu rendre sensibles aux autres élèves les signes d’élection attachés à leur naissance. Près d’eux, à un degré moindre, les cadets de familles nobles ou les fils aînés de baronnets ont également des privilèges qui remontent à d’anciennes coutumes. Ils portent un habit distinct, comme les fils de lords ont le leur. On peut d’un coup d’œil voir ce qu’un collège renferme de grande ou de petite noblesse, comme dans nos écoles on voit aux galons ceux qui ont le mieux mérité dans leurs études. Même au-dessous des classes titrées, le mélange n’est pas complet en Angleterre, tant la séparation des rangs y est une institution rigide. Notre usage, plus généreux, est de confondre dans nos écoles ce qui y entre à titre payant et à titre gratuit de manière à ce que les conditions d’origine ne troublent pas la nature des rapports. Nos voisins n’ont pas ces attentions délicates, ni cette pudeur dans le bienfait. Ils tiennent surtout à écarter les équivoques et à ce que dans le collège chaque élève passe pour ce qu’il est au dehors. Les pensionnaires payans restent donc distincts des boursiers, et les affinités se règlent en conséquence. Ce n’est pas là une circonstance insignifiante ; cette séparation qui date des bancs du collège se réfléchit dans les mœurs et les habitudes. Qui n’a remarqué l’attitude presque défensive d’un Anglais vis-à-vis des personnes qu’il ne connaît pas ? Il ne se livre que quand la glace est rompue. Ce pli est pris dès le premier âge et ne s’effacera plus ; on lui a enseigné qu’il fallait choisir avant de se communiquer et n’accepter de familiarité qu’avec ses pairs. Il a eu au collège des condisciples et non des camarades ; dans le monde, il gardera la même réserve. Pourvu que sa dignité y gagne, il regrettera peu le charme des rencontres et des liaisons accidentelles ; il s’exposera même à ce qu’on prenne pour de la morgue ce qui n’est au fond qu’un effet de l’éducation.