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tifs. La surveillance s’efface au lieu de se prodiguer ; elle ne répand pas sur les élèves cette ombre d’ennui qui y est inhérente et glace leurs ébats. Ils peuvent aller et venir comme bon leur semble et vider entre eux leurs petits différends sans qu’un tiers morose vienne y mêler ses remontrances, quelquefois ses punitions. Ils sont dans l’école, comme ils seraient dans le monde, actifs et responsables. « Nous traitons nos enfans comme des hommes, disait un père de famille à M. Marguerin » afin qu’ils apprennent à le devenir. » C’est le système anglais résumé en quelques mots ; il est de beaucoup le meilleur à suivre. Rien de plus sain en effet que l’exercice de la volonté pratiqué de bonne heure ; le discernement s’acquiert dans cet apprentissage qu’aucune consigne ne suppléerait. L’enfant apprend à penser, à juger, à choisir par lui-même, à peser les suites de ses déterminations. S’il cède à des pétulances graves, il les expie par le châtiment, cherche dès lors à se vaincre et prend de l’empire sur lui-même. La vie commence pour lui comme elle s’achèvera, par les leçons de l’expérience ; en lui épargnant les occasions de faillir, on l’eût moins bien servi qu’en le laissant éprouver à ses dépens où mènent les fautes. Toutes les qualités susceptibles de culture sont ainsi mises en rapport dès les premières années, et de là viennent ces caractères virils, sensés et réfléchis, qui sont moins un privilège de race qu’un produit de l’éducation.

Ce serait une erreur de croire que ces habitudes de tolérance. engendrent le relâchement ; elles ont un correctif dans une discipline très sévère, Des peines graduées frappent toutes les infractions aux règlemens, et pour les cas les plus graves les châtimens corporels sont encore en vigueur. On connaît le vers latin qui est inscrit, comme menace, sur les murs de la salle des classes de la grande école publique de Winchester :

Aut disce, aut discedo ; manet sors tertia, cædi.

Cette inscription date de loin et semble jurer avec nos mœurs. Les élèves qui entrent peuvent y lire les trois chances qui les attendent et entre lesquelles il dépend d’eux de faire un choix : apprendre, être expulsé ou châtié. Ce dernier traitement nous répugne ; il commence à répugner à nos voisins ; l’école n’en maintient pas moins, dans toute sa rigueur, son hexamètre disciplinaire ; on dit même qu’elle en use pour ses natures endurcies et qu’entre les verges et l’expulsion elle se décide de préférence pour les verges comme adoucissement. Le plus singulier, c’est que de leur côté les familles s’accommodent de ce compromis. Toujours est-il que l’école n’est point désarmée et que les franchises laissées aux élèves n’ex-