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raux, et bientôt il en est venu à ne plus pouvoir vivre que par l’appui de toutes les fractions absolutistes du parti conservateur, sous la protection du comte de San-Luis ou de M. Nocedal, si bien qu’on a pu lui dire en plein congrès : « Si la politique de M. Nocedal est la vôtre, vous n’êtes plus rien ; cédez la place à M. Nocedal. » Le résultat a été clair et prompt : le cabinet du général Narvaez a été enlevé d’un tour de main, et toute l’éloquence de M. Gonzalez Bravo dans le congrès n’a pu le préserver d’une mort obscure entre deux portes du palais, pour le choix d’un majordome qui n’a été qu’un prétexte.

Le ministère Narvaez est donc tombé parce qu’il a manqué de fixité dans ses idées libérales, et même parce qu’il a manqué tout simplement d’esprit politique, parce qu’il n’a su rien faire ni rien empêcher. Maintenant c’est le général O’Donnell qui lui succède, et, chose curieuse, il se reproduit ici quelque chose de ce qui se passait à l’avènement du cabinet qui vient de tomber : c’est le général O’Donnell qui arrive aujourd’hui pour détendre encore une fois une situation pleine de sourdes irritations et d’incohérences, qui vient avec des paroles de conciliation, en relevant ce drapeau de l’union libérale sous lequel il s’est abrité précédemment. Certes, à ne considérer que les termes du programme de ce nouveau gouvernement, les promesses sont nombreuses et ne laissent pas d’être importantes. Le général O’Donnell, dans ses premières entrevues avec les chambres, a résolument annoncé que l’Espagne allait reconnaître le royaume d’Italie, ou du moins il a dit que « l’Espagne adopterait une politique qui, sans porter atteinte aux droits de la religion, serait conforme à ce qui appartient a une nation européenne régie constitutionnellement. » Le nouveau président du conseil a mis dans son programme des réformes intérieures d’une certaine portée : l’établissement du jury pour la presse, une nouvelle loi électorale qui, en abaissant le cens, change aussi le système des districts électoraux. Le ministère enfin a reconstitué la municipalité de Madrid, dissoute au mois d’avril par le dernier cabinet, en même temps qu’il a remplacé dans leurs fonctions le recteur de l’université, M. Montalvan, et le professeur, M. Castelar, qui avaient été destitués. Tout cela est fort bien. Le programme est copieux et flatteur ; il reste à savoir ce qu’il deviendra à l’exécution, s’il sera une réalité. Il ne faut pas oublier, d’un côté, que ce cabinet, sauf quelques hommes de plus tels que M. Manuel Bermudez de Castro, M. Canovas del Castillo, M. Alonso Martinez, est à peu près le même qui a déjà existé pendant cinq ans, de 1858 à 1863, et qui a fini par mourir d’impuissance pour n’avoir rien fait, rien surtout de ce qu’il propose aujourd’hui. C’est M. Posada Herrera qui est ministre de l’intérieur, de même que le général O’Donnell est président du conseil. Il ne faut pas oublier, d’un autre côté, que le nouveau ministère va trouver devant lui tout ce qu’il y a de vieux conservateurs, de vieux ou jeunes absolutistes, que la reconnaissance du royaume d’Italie notamment soulève tous les instincts réactionnaires des partis. C’est même déjà sur ce terrain qu’on