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ceau celtique, forte du témoignage de César, attribue par privilège aux druides, instituteurs de nos ancêtres, la foi dans la survivance et la transmigration des âmes ; mais l’écrivain dont nous parlons, M. Henri Martin, catholique orthodoxe et fervent, est si éloigné de cette école qu’un des motifs qui lui ont mis la plume à la main.est le désir de réfuter le système de Jean Reynaud. Sincère chrétien, philosophe sincère, il s’efforce de rattacher par des nœuds étroits sa philosophie à sa foi, quoiqu’il fût prêt à sacrifier sans hésitation ni regret l’une à l’autre. Peu d’hommes ont une connaissance plus solide et plus étendue des sciences de l’antiquité, dont il promet dès longtemps d’écrire l’histoire. C’est donc avec une parfaite compétence qu’il a entrepris la critique des systèmes de métempsycose anciens et modernes, et s’est attaché à leur opposer la doctrine chrétienne de la vie future. En abordant ce grave sujet, il ne pouvait manquer de se heurter tout d’abord à une pierre d’achoppement souvent signalée. Le christianisme est un développement et une réforme du judaïsme. Or le judaïsme, du moins le judaïsme mosaïque, s’il ne garde pas absolument le silence sur la vie future, en parle si rarement, si obscurément, qu’il a presque réalisé le paradoxe d’une religion qui pourrait se passer du dogme sans lequel toute religion est inutile. Le législateur sacré des Hébreux semble avoir borné à ce monde tous les intérêts du peuple de Dieu. On peut ne pas aller aussi loin que saint Jean Chrysostome et même que saint Thomas d’Aquin, qui veulent que la vie future lui ait été cachée ; mais au moins dans le Pentateuque elle n’est insinuée qu’en termes équivoques et susceptibles d’une autre interprétation, et même dans les livres postérieurs de l’Ancien Testament elle demeure la plupart du temps supposée plutôt que professée. Au moins faut-il reconnaître, avec saint Augustin, avec Grotius, Bossuet, Leibnitz, Fleury, que la religion juive ne mettait pas au premier rang, comme article fondamental, la certitude d’une vie à venir avec toutes ses conséquences. Cette singularité est si frappante qu’au moins dans sa première édition M. Martin consacrait bien la moitié de son livre à l’expliquer, et dans la seconde encore il se sent condamné à la tâche ingrate d’inventer des raisons divines pour motiver une omission qui ne peut au premier abord qu’étonner la raison humaine. A le suivre dans sa tentative laborieuse, on ne peut se défendre de penser à la facilité et à la satisfaction que trouveraient les plus ardens apologistes à soutenir la thèse contraire, si l’Écriture avait tenu un contraire langage. Supposé que l’enseignement mosaïque établît aussi formellement l’immortalité de l’âme et en développât les conséquences avec autant de clarté qu’il expose par exemple le monothéisme, de quelle ar-