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avant tout, église de la lettre, comme eût dit Paula, elle n’avait pas vu sans appréhension ces audaces de l’esprit qui vivifient sans doute, mais qui trompent. Même en Orient, on avait l’exemple de sectaires fanatiques qui, poussant à l’excès la manie des interprétations figurées, n’apercevaient plus l’Ancien et le Nouveau Testament que dans les nuages d’une vision apocalyptique. Une forte tendance vers ce mysticisme où le sens religieux se perdait avec la lettre des Écritures existait en Palestine, pays de prédilection du docteur exilé, qui y avait profondément imprimé sa trace. La ferme raison de Jérôme sut s’arrêter sur cette pente. Origéniste passionné dans le principe, il s’était cantonné dans de plus justes limites à mesure qu’il apprenait davantage, et quand il recommandait Origène et Didyme aux moines ou aux nonnes de Bethléem, quand il traduisait les homélies du maître, il savait en signaler les périls ou en corriger lui-même les erreurs.

Parmi les propositions d’Origène qu’on pouvait taxer d’hérésies, quatre surtout furent mises ou remises en discussion vers l’époque où se passent nos récits, et donnèrent lieu à un commencement de vive controverse et de lutte sur différens points de l’Orient, principalement en Égypte. La première de ces propositions regardait la préexistence des âmes. Par une doctrine qui tenait de Platon, de Pythagore et de quelques hérésiarques gnostiques, Origène avait enseigné que les âmes préexistaient à leur union avec les corps, et qu’elles avaient péché à l’état de purs esprits. Leur entrée dans un corps mortel, soumis aux besoins et aux maladies, leur assimilation aux animaux, leur vie terrestre en un mot, était le châtiment de leur péché. Nos premiers parens, coupables d’une désobéissance envers le Créateur, avaient été relégués ainsi dans une prison d’os et de chair, et c’est ce que signifiaient, dans le livre de la Genèse, les tuniques de peaux de bêtes dont Adam et Eve se couvrirent après leur chute. Une seconde proposition, qui se liait à la première, regardait la résurrection des morts au jour du dernier jugement. Sous quelle forme s’accomplirait cette suprême résurrection ? Les morts sortiraient-ils du tombeau avec les corps qu’ils auraient eus pendant la vie, avec leur sexe, avec leur laideur ou leur beauté ? Origène prétendait que non. Cette dépouille de l’âme, suivant lui, devait rester sur la terre, comme la chaîne du captif rendu à la liberté reste dans la prison où il vient d’achever sa peine. Une figure plus éthérée et inaltérable attendait l’âme, qui irait recevoir l’arrêt du souverain juge, sa récompense ou son châtiment. Il repoussait d’ailleurs la croyance aux peines éternelles : c’était là une troisième proposition en rapport avec les deux autres. Origène voyait dans les épreuves de la vie un moyen de purification offert aux êtres faillibles par l’infinie bonté de Dieu, et le repentir était à