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mocratique » en Allemagne, une insurrection nationale dans les duchés, la proclamation du duc d’Augustenbourg sur le Mein et sur l’Eider ; enfin il trépignait sur une douzaine de volcans en travail d’éruption. Sir A. Paget eut beau exprimer (2 décembre) l’opinion très sensée « que si l’Autriche et la Prusse voulaient agir avec bonne foi et sincérité, elles amèneraient bien facilement la confédération à ne demander que des choses raisonnables ; » lord Russell eut beau rassurer le cabinet de Berlin sur l’état intérieur des duchés, où tout était calme. « Notre ministre à Copenhague, s’empressa-t-il de répondre le 2 décembre, me mande que le Holstein est parfaitement tranquille, et ce rapport est confirmé par le langage du comte Blome et du baron Plessen. » Rien n’y fit : M. de Bismark tint absolument à être « très alarmé. » Et alors se joua une scène magnifique, — la plus magnifique peut-être de toute cette s longue pièce de cape et d’épée, — et qu’il importe de suivre de près dans les précieuses révélations des state papers anglais.

Rendant un jour compte de la situation des partis à Berlin, sir Andrew Buchanan s’exprimait en ces termes : « Des personnes ayant des intimités avec le gouvernement et le ministère des affaires étrangères parlent de l’impossibilité pour la Prusse de résister à un mouvement si général, si populaire, du danger même qu’il y aurait à contrarier à ce point le sentiment national ; mais en même temps elles sont convaincues que le gouvernement restera fidèle à ses obligations internationales, et qu’il ne se laissera pas emporter par le courant comme les petits états. Ces personnes croient donc que le gouvernement n’a devant lui qu’une seule voie de salut : c’est d’adopter quelque demi-mesure (by adopting some half measure) qui donnerait une certaine satisfaction au vœu populaire. Elles affirment qu’une exécution dans le Holstein calmerait à la fois l’effervescence du moment et préviendrait tout mouvement révolutionnaire dans les duchés… » C’est cette demi-mesure en effet que l’ingénieux ministre de Guillaume 1er allait prendre à tâche de faire agréer au cabinet de Saint-James. « M. de Bismark me dit, — écrivait le 28 novembre sir Andrew Buchanan à lord Russell, — qu’il avait conclu des rapports de M. de Bernstorff que votre seigneurie pensait, comme lui, qu’une exécution fédérale préviendrait. tout mouvement révolutionnaire dans le Holstein, et serait en même temps à un certain degré une reconnaissance indirecte du roi Christian IX comme duc de Holstein de la part de la diète de Francfort. Son excellence affirma que l’état alarmant de l’Allemagne commandait qu’il fût procédé immédiatement à l’exécution ; mais elle ne put ou ne voulut m’expliquer comment une pareille exécution serait une reconnaissance de la souveraineté du roi Christian et pourrait éviter l’apparence d’une occupation… » Ainsi c’était pour préserver