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et que M. de Bismark avait fixé comme le dernier jour de l’état de paix, se passa sans encombre ; lord Russell eut un moment de répit, et travailla aussitôt avec ardeur à la réunion d’une conférence européenne qui devrait enfin mettre un terme au différend dano-allemand.

Cette nécessité de convoquer une conférence des divers gouvernemens de l’Europe n’avait pas été d’abord trop reconnue par la diplomatie britannique, et lord Russell ne se décida pour un tel projet que bien tard, vers les derniers jours de l’année 1863. Jusque-là il avait constamment pensé que les efforts de l’Angleterre seule suffiraient. Il s’en tenait au projet du mois d’octobre, alors que, dans la plus parfaite entente avec M. de Bismark au sujet de la question polonaise, il avait été convenu que, pour le règlement. définitif du litige sur l’Eider, il ne serait fait appel qu’à l’unique médiation du cabinet de Saint-James[1] ; mais on était déjà loin de ces beaux jours d’octobre. De très graves événemens avaient eu lieu depuis lors, et la France entre autres avait fait sa fameuse proposition d’un congrès, qui était devenue le signal d’un notable déplacement des positions sur l’échiquier diplomatique de l’Europe. Débouté par l’Angleterre, le cabinet des Tuileries, n’avait pas cependant complètement renoncé à son idée ; il avait même profité de la grave complication survenue dans l’intervalle au sujet des duchés de l’Elbe, pour démontrer la sagesse de ses prévisions, et dans une circulaire datée du 8 décembre M. Drouyn de Lhuys s’était adressé aux différens gouvernemens du continent pour leur proposer, à défaut d’un congrès général, une réunion préalable dans le sens qu’avait indiqué le roi de Prusse dans sa lettre à l’empereur Napoléon III, — une conférence des ministres qui s’entendrait sur les questions qu’on pourrait soumettre plus tard au jugement éclairé des souverains. Lord Russell ne put cacher devant M. de Bernstorff « sa surprise » de voir le gouvernement français persister dans des projets qui, pour assumer une forme plus modeste, n’en devenaient pas pour cela plus « pratiques. » Il apprit avec satisfaction qu’on était du même avis à Saint-Pétersbourg, et que M. de Rechberg, lui aussi, ne croyait pas que la question des duchés « fût déjà mûre pour les délibérations d’un congrès européen. » Autre fut le sentiment de M. de Bismark. Pourquoi pas des conférences ministérielles sur toutes les questions pendantes ? demanda le ministre prussien, qui feignait de garder un faible pour l’idéologie française. Et puisqu’on ne vou-

  1. M. Quaade écrivait alors à M. Hall : « En conséquence d’une observation de l’ambassadeur anglais, je crois bon de vous avertir que le gouvernement du roi ne doit pas essayer de provoquer d’autre médiation que celle de l’Angleterre, pas plus que l’intervention de plusieurs gouvernemens… » (Papiers d’état communiqués au rigsraad.)