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on fit entrevoir l’assistance certaine du Bund dans l’éventualité d’une guerre d’Italie, si l’empereur François-Joseph voulait favoriser l’élan patriotique de l’Allemagne. Des tentatives furent-elles aussi faites alors et simultanément dans la direction de Paris ? La logique de la situation le ferait déjà supposer, à défaut même d’autres indices, qui cependant ne manquent pas. Quoi qu’il en soit, les résultats de l’entrevue de Munich ne tardèrent point à se produire : lorsque le 28 décembre 1863 l’Autriche et la Prusse soumirent à la diète le projet d’une « occupation éventuelle » du Slesvig comme gage, le baron Dalwigk leur opposa immédiatement un contre-projet tendant à la reconnaissance indirecte des droits du duc d’Augustenbourg. Deux jours après (30 décembre), le prétendant arrivait tout à coup et « inopinément » à Kiel. Le pays était occupé par des troupes saxonnes et hanovriennes (les contingens de la Prusse et de l’Autriche demeuraient encore dans le nord de l’Allemagne), — et alors eurent lieu des scènes que sir A. Paget juge ainsi dans une dépêche du 31 décembre qui prend presque la forme des terzine dantesques, — facit indignatio versum. — « Une exécution fédérale d’une légalité quelque peu douteuse est votée par la diète ; des armées, au nombre de cinquante mille hommes, sont mises en mouvement pour exécuter ce décret fédéral ; les commissaires de la diète, dans la forme voulue et selon l’usage consacré, annoncent que leur mission est de prendre possession du duché au nom de la diète, sans préjudice des droits du souverain, qui ne sont que temporairement suspendus ; le roi de Danemark, quoique persuadé que ses droits sont injustement attaqués, retire son armée du Holstein pour ne pas précipiter les actes d’hostilité ; les troupes fédérales entrent dans le duché avec des bandes jouant l’air révolutionnaire[1] ; les couleurs du duc d’Augustenbourg sont partout déployées, tandis qu’en même temps les couleurs du roi de Danemark sont partout arrachées. Des affiches, il est vrai, sont publiées qui défendent de proclamer le duc d’Augustenbourg, mais le duc n’en est pas moins proclamé partout, sinon par le fait des commissaires de la diète, du moins en leur présence, et, pour couronner le tout, le prétendant lui-même arrive à Kiel, où, sous la protection de l’autorité de la diète, il lui est permis de résider, bientôt même de se déclarer souverain. Voilà les procédés sur lesquels l’Europe est appelée à se prononcer !… »

Lord John Russell se prononça sans retard et protesta énergiquement à Vienne. Le comte Rechberg blâma devant le duc de Gramont et lord Bloomfield (dépêche du 31 décembre) « l’apathie » du

  1. L’air du Slesvig-Holstein enlacé par la mer.